Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/294

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— Parbleu ! dit Dalayrac, puisque tu as toutes ces recettes et ces antidotes sous la main, tu peux me rendre un bien grand service.

— Et lequel donc ?

— Figure-toi que j’ai tant travaillé depuis quelque temps, que je me suis échauffé le sang, et que je ne puis parvenir à sommeiller. Je me couche de très-bonne heure, devant me lever de même ; mais je lutte toute la nuit contre l’insomnie, et ce n’est que le matin, juste à l’heure où je dois me lever, que je me sens quelque disposition au sommeil. Il faut alors le combattre ; je me lève tout engourdi, je suis lourd toute la journée, mais je travaille comme à l’ordinaire le soir, et cependant le sommeil me fuit encore lorsque je veux l’appeler.

— Sois tranquille, lui dit son camarade, j’ai là ton affaire. Je vais te composer un somnifère irrésistible : quelques gouttes dans un verre d’eau avant de te coucher, et, un quart-d’heure après, tu dormiras du sommeil le plus calme et le plus profond.

Il alla prendre une ou deux fioles sur ses tablettes, en versa le contenu dans un petit flacon, le boucha soigneusement, et le remit à Dalayrac. « Surtout, ajouta-t-il en le quittant, ne va pas forcer la dose. Deux ou trois gouttes suffiront, tu ne redoublerais que si tu voyais que le remède n’agit pas assez. » Dalayrac serra la main de son ami et emporta précieusement son narcotique. En passant devant un épicier, il acheta une livre de gros sel qu’il mit dans sa poche, puis il s’achemina vers sa demeure.