Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/73

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Je fais ici ma confession, voilà comme je pensais quand j’entrai chez M. Boïeldieu. Il me demanda de lui donner un échantillon de mon savoir-faire, et, deux jours après, je lui portai un morceau stupide, où il n’y avait ni chant, ni rhythme, ni carrure, mais en revanche, force dièzes et bémols, et pas deux mesures de suite dans le même ton. Je croyais avoir fait un chef-d’œuvre.

— Mon bon ami, me dit M. Boïeldieu, quand il eut examiné mon papier de musique, qu’est-ce que cela veut dire ?

L’indignation me saisit.

— Comment, Monsieur, lui répliquai-je, vous ne voyez pas ces modulations, ces transitions enharmoniques, etc.

— Si fait, vraiment, reprit-il, j’y vois fort bien tout cela ; mais les choses essentielles, la tonalité et un motif ? Allez-vous-en à votre piano, faites-moi une petite leçon de solfége à deux ou trois parties, d’une vingtaine de mesures, et sans moduler surtout, et vous m’apporterez cela dans huit jours.

— Mais je vais vous faire cela tout de suite, m’écriai-je.

— Non, me répondit-il, il faut tâcher que cela ne soit pas trop plat, et huit jours ne vous seront pas de trop.

Je retournai chez moi, et, riant d’une telle besogne, je voulus me mettre à l’œuvre ; mais dans l’habitude que j’avais de tendre mon imagination vers un tout autre but, je ne pouvais pas trouver une idée mélodi-