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MESSES NOIRES

rentrer en grâce, mais sans payer suffisamment les protecteurs en titre. D’où bagarre…

Je partis, laissant là mon Chignon, au moment où, dans un cri, l’on s’empressait autour du vieux qui, finalement, avait reçu un couteau dans la poitrine…

— Sacrebleu, on rosse le commissaire ! affirmait alors le Prince, très exalté. Puis, rêveur :

— Mais comment pouvez-vous fréquenter cette crapule, Lyllian, vous si peu vulgaire, si peu peuple, que vous en avez ressuscité les talons rouges…

— Un pensum, mon cher ! Vous le méritez. En voilà des remarques ! Faites donc votre examen de conscience. Dites-moi franchement si vous aussi n’y auriez pas été dans cette tourbe…

Peut-être, au fait, que votre hypocrisie a raison et que les simagrées sont belles ! Mais alors, et la vie ? La vie ! on en brûle les étapes, si on la veut splendide. Tout voir et tout connaître ! L’agonie et la lumière, la pourriture, la santé ! Mais, mon Prince, qu’est-ce qu’une ville sans cloaques, qu’un palais sans basse fosse ? Pour d’autres, les hymnes à la nature qui trompe, à l’humanité qui ment, à la santé qui meurt… Je veux être, moi, l’enfant du charnier et des cimetières, des hôpitaux et des prisons, le dessiccateur des larves, l’analyste des ulcères…

Lyllian s’excitait et parlait maintenant presqu’à voix haute, au scandale de la caissière qui, contre toute habitude de chez Larue, en omettait de majorer la note.

Là-bas, perdus dans les irradiations et dans les fumées, les tziganes continuaient leur valse lente et triste, qui aurait fait pleurer. Des femmes passaient, de table en