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LORD LYLLIAN

Ses pieds menus frôlaient le tapis, et, lorsque la porte s’ouvrait pour laisser entrer lord Lyllian, quel joli sourire devait briller dans la glace pour dire : Comment va notre cher petit Renold ?

L’enfant savait que du jour où sa mère était morte, la chambre avait été fermée sur l’ordre de son père. Seul y pénétrait l’ancien secrétaire de la comtesse, chargé de conserver religieusement l’aspect de cette tombe d’amour. Car lord Lyllian avait adoré sa femme, sans du reste que celle-ci, extériorisée, déjà lointaine des émotions terrestres, paraissât y répondre.

Renold fit venir le vieil intendant.

— Jamais mon père n’est entré ici depuis que maman est morte ? demanda-t-il.

— Jamais my Lord. Jamais dans cette pièce : J’en ai seul la garde.

— Merci, répondit Renold. Laissez-moi.

 

Ainsi c’était bien vrai. Nul, sauf ce vieux serviteur dévoué, n’était venu blasphémer l’âme du passé. Car l’âme de lady Lyllian demeurait entre ces murs, mêlée aux objets familiers.

— Maman… Maman !…

Et comme Renold palpait maintenant les moindres choses, pour sentir un contact que sa mère avait senti, il ouvrit au hasard un chiffonnier en marqueterie dont les médaillons de Wedgwood bleuissaient dans l’ombre.

L’intérieur du meuble contenait une infinité de réduits minuscules que Renold découvrit, plein d’une curiosité pieuse.

Dans le premier il trouva des dentelles, dans le second des fleurs sèches et de ces rubans fanés qui semblent