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NOTRE-DAME DES MERS MORTES

comme un calice de lys immense la voile d’un bateau venant du large. La nef disparaissait, noyée par la nuit. Il ne s’ouvrait que cette voile, cette voile s’ouvrait jusqu’aux étoiles. La barque passa, éclairée à l’arrière d’un feu jaune pareil à une topaze scintillante. Un homme penché sur le feu semblait exhaler son âme dans la flamme. La barque passa. Et voici que derrière elle, une voile surgit, plus sombre celle-ci, tout à coup sanglante au clair de lune. Brusquement, une vision fabuleuse emplit le cerveau du poète, et ses lèvres se turent et se tut la légende. Au loin, plus loin encore, la lagune où flottaient de lentes traînées de nacre, la lagune était semée de voiles analogues, d’immenses calices de lys. Lys pâles et lya rouges, lys de candeur et lys d’agonie. C’était la rentrée des pêcheurs. À ce moment et dans ce lieu, avec le ciel fantastique dont les nuées ressemblaient à des galères en déroute, on eut dit que les vagues symboli-