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L’HEURE DU BERGER

épars sur l’oreiller, avec l’air d’une vierge de Mantegna, Ninette repose. Elle repose, elle dort, et ses paupières closes couvrent ses yeux comme une mousseline. À la voir ainsi on oublie qu’elle est aveugle. Et si les anges descendaient sur la terre ils joueraient sur ses lèvres comme sur un rayon de soleil !

Son sommeil est calme et ses rêves sont purs. En a-t-elle des rêves, seulement ? Elle se souvient peut-être des jours de son enfance où insoucieuse, les regards lumineux, non atteinte du mal terrible, elle battait des mains devant une poupée, elle s’arrêtait en extase devant un papillon. Son sommeil est si calme qu’on perçoit les battement de son cœur à son souffle. Et lorsque le marquis en fermant d’un doigt sec sa tabatière, vient sur la pointe du pied l’épier dans son lit, il n’ose faire d’autres gestes, dire d’autres paroles il la laisse toute seule. Seule ? non, elle n’est pas seule. Dans un coin de la chambre de l’ancienne