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LE DERNIER SOIR

mots d’amour se transformaient en berceuses antiennes ? Un mysticisme fou l’exaltait et il rêvait au Calvaire, au Calvaire humain que le Christ lui avait dressé pour monter jusqu’à lui, jusqu’au divin Calvaire. Souffrir, souffrir…oh mon maître, servir, servir ! Sa jeune imagination croyait voir des apparitions sur les vagues et lorsque, au crépuscule, la Salute, en face de ses fenêtres, devint un dôme d’or, il s’agenouilla en appelant la Vierge, rédemptrice des affligés. Puis des sursauts d’orgueil, des phrases de haine, claquantes comme des drapeaux noirs : II s’adressait à la Ville, à la Païenne dont Dieu n’avait pas la garde malgré les nombreuses églises, les tableaux où sourient les madones, les cloches où elles chantent. La fenêtre grande ouverte sur la lagune, embrassant d’un coup d’œil les quais de pierre illuminés, les palais, les colonnades, les ogives de feu, pareilles à des mitres, les hauts mâts des vaisseaux, les campaniles

et les canaux, il criait : Gueuse, Gueuse !…

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