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GALLICANISME

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conviction que le pape avait charge générale de 1 épiscopal occidental, qu’il en était le supérieur. » Son action ne s’enfermait nullement dans les formules qui. depuis le iV siècle, réglaient les plus hautes attributions des patriarches ; dans son ressort patriarcal, pendant longtemps le pape n’exerce pas la plus haute fonction du patriarche, il n’intervient pas régulièrement dans les élections épiscopales. mais dans ces élections comme dans toutes les autres alïaires, il intervient suivant les besoins, sans qii’on puisse assigner à son action d’autre titre à se produire qu’une cura et une custodia suprême de tous les intérêts de nos Eglises ; et il intervient en chef : dans les plus vieilles décrétales adressées aux pasteurs des églises gauloises, les évêques de Rome ne manifestent pas seulement (ce que les auteurs les moins favorables aux doctrines romaines accordent sans peine) la prétention de présenter à l’Occident leur propre Eglise comme un modèle, ils en imposent l’imitation : « Si quelqu’un viole les prescriptions sur les ordinations, dit le chapitre i^ de la décrétale aux Gaulois (qui pourrait être de S. Damase, 366-384, et par conséquent la plus ancienne de toutes, cf. E.-Ch. Babit, l.a plus ancienne Décrétale, Paris, igo^) qu’il sache qu’il est séparé de la société des catholiques : chapitre 18, qu’il sache qu’il est en danger de perdre son rang… n C’est l’écho lidèle des menaces de Victor aux Asiates.

Dans sa Concordia (lib. 1. c. x et lib. Vil), Pierre DB Ma.rca a essayé de montrer qu’au cours des iV et v « siècles, pour les affaires importantes et dilhciles, les causai’majores (dogme et discipline), les Eglises particulières et les conciles usaient à l’égard de l’évêque de Rome de la procédure même qu’en des cas analogues de la vie civile, les magistrats supérieurs (gouverneurs, préfets des prétoires) employaient à l’égard de l’empereur seul : les uns et les autres adressaient à l’autorité suprême une relatio sur la cause qu’ils venaient de juger, ou une consultatio, le souverain répondait, s’il le trouvait bon. par un rescrit (la Décrétale) qui faisait loi. Théorie séduisante, qui expliquerait la fréquence, dans les textes ecclésiastiques de l’époque sur les droits de l’Eglise romaine, des mots techniques relatio, referre, référendum (on les retrouve jusqu’au viii’siècle dans le continuateur de Frédègaire racontant l’élection royale de Pépin, missa relatione a Sede apostolica auctoritate percepta, et jusqu’à la (in du x’sous la plume de Gerbert au concile de Mouzon, 99."). Certe uiliil aclum tel a^endiim fuit quod Apostolicae Sedi relatum non fuerit), théorie qui ferait bien comprendre pourquoi les papes, depuis Innocent I" écrivant à Victrice de Rouen, Epist., ii, 6, P.L., XX, 4^3, réclament qu’on leur envoie sicut srnodus statuit et beata consuetudo exi^it, de » relations sur toutes les causes majeures. Malheureusement cette thèse de Marca, accueillie avec quelque dédain au xvii’siècle par Jean Davio (Du jugement canonique des é^éques). combattue ex professa par J. H. Borhmbr, le canoniste protestant qui fut le premier commen tateur de la Concordia, et assez mal défendue par son second commentateur ultramontain, le Napolitain C. Fimi. i

(èdit. de namberg, l’jSS, t. I, p. 168 sq.), n’a pas encore été sérieusement vèriliée. Mais si vraiment, à l’époqvie où justement le cérémonial de la curie romaine se modelait sur celui de la cour impériale (iv’siècle), où partout la procédure des tribunaux ecclésiastiqvies se calquait jusque dans les petits détails sur celle des tribunaux de l’Emjjire (cf. H. Grisxr, /fist, de Home et des Papes, n" 3/(0 et 3^2). nos pères ont coulé dans le moule du concept fourni par l’autorité suprême de leur temiis, l’idée traditionnelle enseignée par Irénée, de la prim luté de Pierre

dans l’Eglise, il est tout à fait vain de parler de gallicanisme gallo-romain.

3) On en a parlé cependant à propos des rares résistances gauloises à l’action romaine dont l’histoire a gardé le souvenir. Assez récemment, M. E. Ch. Babut (Le Concile de Turin, etc., Paris, 1904) a voulu prouver qu’en 417 un concile d’èvêques gaulois réuni à Turin avait réglé la situation des métropoles d’Arles et de Vienne et celle du vieil évêque de Marseille, Proculus, en opposition formelle avec les ordres reçus au moment même du pape Zosime ; le pape aurait dû s’incliner devant la décision conciliaire. Cette thèse a été assez mal accueillie (cf. Dicuesne. Beiiie historique, hWXXll, 1900, pp. 278-382) : pour mettre en conflit pape et concile, M. Babut a dû dédoubler le seul concile de Turin (tenu vers l’an 400) qui nous soit connu, imposer aux actes, conservés sans indication consulaire, une date tardive mal d’accord avec les renseignements qu’ils contiennent sur le nombre des provinces gauloises (qui changea justement entre 400 et 4’7) bouleverser enfin la chronologie des lettres du pape. La crise gallicane de il7 semhle n’avoir pas existé et se réduire à la désobéissance par laquelle Proculus de Marseille se déroba aux fantaisies de Zosime et aux ambitions de Patrocle d’Arles, tandis qu’à côté Hilaire de Narbonnese pliait docilement aux ordres de Rome.

Fort peu de temps après, un successeur — fort vénérable du reste — de l’intrigant Patrocle se heurta très violemment contre un sucesseur de Zosime : S. Hilaire d’Arles contre S. Léon le Grand. Dans l’affaire de l’appel deChélidonius, déposé par un concile gaulois. Hilaire. s’il faut en croire celui de ses disciples qui écrivit sa vie, aurait, en pleine Rome et parlant au pape lui-même, décliné la compétence du tribunal romain : il était venu ad officia, non ad caiisam. par politesse et non pour plaider, il avait communiqué la procédure pour protester contre l’admission de l’évêque déchu à la communion du pape, et non pour l’accuser à son tribunal, protestandi « rdine, non accusandi (P.L., ii, i’i-) sqq.). Hilaire s’évadii à pied de la Ville éternelle, sans rendre sa communion à l’évêque qu’il estimait avoir été justement condamné en Gaule. S. Léon, dans les lettres très dures pour Hilaire, où il raconte aux Gaulois les insolences du saint provençal, ne parle pas de ce déclinatoire d’incompétence. Quoi qu’il en soit de son existence, le récit qu’on vient de lire révèle, au moins chez le biographe, une idée assez hétérodoxe sur les limites de la prérogative pontilicale. Hilaire. ou son disciple, peut-il être regardé comme un téiuoiii d’une tradition gauloise opposée aux droits de Rome ?N’on, semble-t-il ; outre que S. Léon, rappelant aux collègues de Hilaire les innombrables recours à son siège des évêques gaulois, ne paraît pas s’attendre à une contradiction de leur part, il ne faut pas oublier que l’évêque d’Arles était un de ces moines de Lérins, hommes du monde retirés au cloître et portés par leur renom de vertu sur les sièges épiscopaux du Midi de la France, réformateurs plus zélés que soucieux de la légalité, auxquels, dès 428 et 431, le pape Cklestin reprochait vivement leur parfait dédain pour les coutumes et les décrets des Pères. Hilaire d’Arles était directement visé ilans la seconde de ces diatribes. II mit de])uis tous ses soins à apaiser le pontife de Rome (cf. L. DrciiESNE, l.a primatie d’Arles, Paris, 1 898). C’est à l’occasion de ce conflit que rein])ereur’S’alestï-NIEN 1Il rédigea la constitution de 443. cause principale, au dire de M.Babut(()/>. cit.). de l’établissement en Occident de la monarchie romaine. Hypothèse déjà réfutée au xvii’siècle par Pierre de Marca. L’édit déclare que les ordres pontilicaux valent i>ar eux-