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GENESE

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EnCn, on ne doit pas chercher, dans la « table » Ju chapitre x.une ethnographie tant soit peu complète ; Moïse n’a voulu y faire ligurcr que les peuples les plus connus des Israélites de son temps. El c’est ce qui expliqueaussi que le tableau soit si détaillé, par endroits, — pour les peuplades chananéennes, par exemple, — et si sommaire et vague, ailleurs. Il faut toujours se rappeler que l’auteur sacré ne se préoccupe pas de science pure, ni même d’histoire, sinon en tant qu’il s’agit des destinées du peuple de Dieu et de la vraie religion.

Histoire patriarcale (xh-xlix). — Autorité. —

Les récits qui commencentavec le chapitre xii et vont jusqu’à la tin de la Genèse, ont pour la plupart un caractère presque anecdotique. Ils s’étendent sur les épisodes de la vie errante des patriarches Abraham, Isaac, Jacob, et principalement sur les événements de famille. Tous ces faits, parfois vulgaires en eux-mêmes, sont relevés par les grandes leçons morales qui s’en dégagent naturellement, mais surtout par leur rapport avec le développement des promesses niessianiques. Toute cette histoire patriarcale est en elTet dominée par l’attente de la « postérité », en laquelle

« toutes les nations seront bénies ». Elle a

pour objet principal, selon le plan bien visible de son auteur, de mettre en relief la solennité des déclarations où Dieu, à différentes reprises, promet cette postérité ; les interventions spéciales qu’il multiplie pour la préparer ; les preuves de foi et de Udélilc au Seigneur, par lesquelles les patriarches sont obligés de la mériter. A cause de ce lien intime avec le dogme du messianisme, la tradition catliolique a constamment maintenu non seulement le caractère historique des récits sur les patriarches, mais encore leur pleine vérité.

A la preuve décisive de cette vérité, qui résulte toujours de l’inspiration de l’Ecriture et de l’autorité de la tradition, nous pouvons ajouter maintenant le témoignage des documents profanes. Les annales de l’Egypte et de la Babylonie ne nous offrent pas, il est vrai, les mêmes événements que l’histoire des patriarches. Les scribes des bords du Nil et de l’Êuphrate ne racontent que les hauts faits de leurs rois, et s’il est arrivé à ceux-ci de se faire battre par un .braham (Gen. xiv), ils ne le rapporteront point. Cependant l’histoire des patriarches dépasse quelquefois le cercle familial ; elle se mêle même à l’histoire des grands empires, comme dans l’épisode auquel je viens de faire allusion ; l’intéressante histoire de Joseph se passe presque tout entière en Egypte.

Dans ces parties, les monuments babyloniens et égyptiens peuvent servir à contrôler au moins la vraisemblance des récits bibliques. L’épreuve a été faite, et nombre de fois, et avec la plus grande rigueur : le résultat est un éclatant témoignage en faveur de la Genèse. Partout où les indications de l’historien sacré ont pu être confrontées avec les découvertes des égyptologues et des assyriologues, on a constaté leur étonnante exactitude. Ainsi, tous les détails donnés dans l’histoire de Joseph en Egypte (Gen., xxxix-XLvii), touchant les usages, les mœurs, les institutions de la société égyptienne aux environs de 1000 avant l’ère chrétienne, se retrouvent sur les monuments indigènes de cette époque. Pour échapper à la conclusion qui en résulte contre leurs théories hostiles à l’Ecriture, les critiques rationalistes en sont réduits à prêter aux écrivains tai-d venus qu’ils font auteurs de la Genèse, une connaissance tout à fait invraisemblable de l’archéologie égyptienne et babylonienne. N’était leur parti pris, ils reconnaîtraient que la lidélité des peintures de la Genèse tient à ce qu’elle renferme une histoire réelle, qui est

parvenue à son auteur dans une tradition véri » dique.

Abraham et Cbodorlabomor. — Les objections par lesquelles on croyait, il y a moins de cinquante ans, avoir rendu insoutenable la vérité des récits sur les patriarches, se sont pour la plupart dissipées devant la lumière des découvertes d’Orient. On se rabat sur de prétendues impossibilités, par exemple dans le récit du chapitre xiv. La victoire d’Abraham, telle qu’elle y est relatée, paraît à M. Noeldeke si incroyable, que « rien n’est impossible, si elle ne l’est point » ; M. Wklliiausen est du même avis, et M. GuNKEL, qui admet que le cadre du récit est historique, ajoute que « l’histoire moderne affirmera sans hésiter qu’avec 318 hommes on ne peut mettre en déroute un conquérant du monde ». Mais cette difficulté ne paraît si grosse à ces illustres savants, que parce que le préjugé rationaliste ne leur permet pas d’interpréter la Bible avec équité, s’il ne faut pas dire qu’il les empêche de la lire avec le simple bon sens.

Le texte sacré porte que le roi d’Elam, avec trois autres rois, ses alliés ou ses tributaires, vint pour châtier cinq rois (ou plutôt roitelets) de la vallée de Siddini, qui lui avaient refusé le tribut, après l’avoir payé pendant douze ans (xiv, i-4). Il ne s’agit donc pas d’une expédition de conquête, mais plutôt d’une opération assez banale, presque d’une « opération de police », comme on dirait aujourd’hui, sinon d’une simple razzia.

On ne peut inférer du texte que le grand roi élamite la conduisit personnellement. « Les rois de l’empire mondial, observe M. A. Jeremias, n’ont pas besoin de monter en personne sur le char de guerre, pour châtier des vassaux négligents à payer le tribut. Mais il appartient au style solennel des annales de nommer le roi comme représentant de son armée. » Aussi bien, on lit (Gen., xiv, lo) que le roi de .Sorfome, n’ayant pu soutenir l’attaque des Mésopotamiens, s’enfuit et tomia dans les puits de bitume, pour y périr, naturellement ; et cependant on le retrouve peu après bien portant et venant au-devant d’Abraham pour le féliciter de sa victoire (xiv, i^) : l’écrivain a donc mis, dans le premier passage, un roi pour ses gens.

Quoi qu’il en soit de ce détail, on peut conclure avec l’assyriologue cité, que « les forces militaires en présence, d’un côté comme de l’autre, n’ont pas dû être énormes et qu’ainsi les 318 serviteurs d’Abraham ne prêtent pas à une objection sérieuse ». L’historien biblique nous apprend d’ailleurs qu’il y avait avec Abraham, outre ses serviteurs, trois chefs amorrhéens ses alliés (xiv, 13, 24) Dans ces conditions, le succès de l’attaque nocturne et imprévue sur l’armée (ou l’arrière-gardc) mésopotamienne ne semblera plus si difficile à croire ; et au besoin, l’aide divine expliquera^Ve[ qu’il présente encore d’extraordinaire.

La destruction de Sodome et de Gomorrhe

et la mer Morte. — C’est également par une interprétation mal justiGée, que la critique rationaliste lit dans la Genèse l’affirmation, erronée suivant la géologie, que la mer Morte devrait son existence à la destruction des villes coupables de la vallée du Jourdain. Dans le chapitre où est racontée cette destruction (Gen., xix), la mer Morte n’est pas même mentionnée ; c’est d’ailleurs par le feu que les villes sont détruites (xix, 24-25). L’objection ne repose que sur une petite phrase du chapitre xiv, 3 : « Tous ceux-ci (les belligérants nommés aux v. i-3, se rencontrèrent dans la vallée de Siddim : (c’est aujour-