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HONORIUS

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dilliculté qui restera toujours de préciser la forme concrète et scientiliiiuo des faits rapportés par la Genèse, jointe à la grande part d’incertitude et d’approxiniatit >n dont ne se débarrasseront jamais la paléontologie et la préhistoire, rendent peu vraisemblable une rencontre du dogme et des sciences. Même pour des points aussi voisins du domaine des faits contrôlables (pie sont l’origine du corps humain et notre descendance d’un seul couple, il faudrait donc dire, une fois de plus, que de l’étude des seules apparences il n’y a, pour le dogme, rien à craindre ni à espérer.

Et alors, plus on y pense, plus on se prend à douter que sur aucun domaine strictement expérimental une expérience cruciale soit réalisable qui trancherait pour ou contre la conception catholique de la nature humaine. [Bien entendu, nous parlons ici du point de vue de nos adversaires : sur l’impossibilité d’un conflit vrai entre foi et sciences, tout catholique sait d’avance à quoi s’en tenir. Cf. DENziNGBR, £/)c/n>., n » 1818(1605).l

4" Si, malgré tout, une pareille expérience pouvait s’imaginer, ce n’est sûrement pas danS’la sujétion de l’individu à la race, ni dans la petitessede l’homme en face de l’Univers, qu’on en trouvera la base.

L’individu, d’abord, tel que nous l’avons isolé de la société, conserve toutes ses obligations à la servir. On pourrait même dire que cet isolement, relatif principalement à nos destinées futures, laisse presque entière liberté, à qui veut se maintenir au niveau des espérances terrestres, de voir en nos individualités un simple « lieu de passage » de l’humanité.

<Juant à la royauté de l’homme, telle que se la représente un chrétien, elle n’a rien à voir avec une anthropocentrie quantitative ou locale. Déjà, du simple point de vue expérimental, on pourrait soutenir que rien n’existe au monde de plus parfait, de plus achevé, de plus « qualitativement >> central que l’intelligence. La révélation, surtout, en illuminant les richesses insoupçonnées de l’àme sanctiliée, nous confie que c’est en vue de l’humanité à recueillir que Dieu a lancé le courant des choses visibles. Or cette prééminence-là se concilie sans peine avec l’exiguïté de la place que nous occupons ici-bas. L’expérience quotidienne nous apprend que ni la nature, ni l’industrie, ne produisent rien sans mettre en jeu une somme d’elTorts supérieure et, dans bien des cas, apparemment disproportionnée à la petitesse du résultat obtenu : souvent, le terme d’une opération chimique ou vitale est enfoui dans la masse des déchets que son épuration accumule, ou encore disparaît au milieu d’une touffe d’effets secondaires qui lui forment une suite obligée. Ne faut-il pas un grand arbre pour produire des fleurs quelquefois imperceptibles ? Ainsi en est-il de l’homme. L’Univers peut l’écraser de sa grandeur, et lui, néanmoins, en rester le vrai centre, par la dignité. Mais parce que cette dignité spirituelle et surnaturelle ne l’empêche pas d’être rejeté et perdu dans un coin du ciel, la science des apparences conserve le droit de voir en notre race une chose accessoire, apparue par hasard, et dont le monde eût pu toujours se passer. Seule, une perspective de profondeur, celle qui ordonne les êtres suivant leur valeur absolue, intéresse le dogme : et elle n’est pas touchée. Malheureusement c’est dans cette profondeur-là, précisément, que nous nous heurtons, en réalité, aux préjugés ou aux répugnances de nos adversaires.

Une question de goût intellectuel, un certain eslhétisnie philosophique, voilà en effet la vraie difficulté que rencontre aujourd’hui la conception traditionnelle de l’homme. Les séductions de l’évolutionnisiue et d’un immanentisme exagéré ont si fort captivé

Tome II.

beaucoup d’esprits qu’ils ne savent plus considérer le monde et sa marche que comme un développement nécessaire et absolu. Us veulent penser que leur existence, par ses efforts palpables, coopère à une œuvre terrestre déjà ébauchée où se consommeront un jour les labeurs de l’humanité. Ils ont besoin de croire que du mouvement même qui fait avancer les choses visibles doit sortir quelque suprême réalité. Et alors, interprétant dans le sens de leurs désirs des indices souvent équivoques de perfectionnement du monde, ils voient se dessiner, dans une illumination qu’ils croient révélatrice, la marche régulière et fatale dont leurs rêves sont pleins.

Or, à l’imposante intuition qui les enthousiasme, quels attraits vient opposer la vérité catholique ?

— Une création contingente ; une œuvre gâtée par un acte de caprice humain ; un éparplllement d’àmes qui, une à une, s’échappent, allant chacune, avec ses œuvres, vers sa destinée particulière ; un monde aux contours accidentels et brisés ; voilà, semble-t-il, le spectacle que nous présentons, au total, à des yeux épris de continuité et de cohésion nécessaires. Quel goût trouveraient-ils bien à considérer les preuves vieillies qui soutiennent une telle incohérence ?


De telles répugnances, si l’on y cède aveuglément, annihilent par avance tout effort de démonstration. Aussi demanderons-nous, en terminant, à ceux qu’offusque l’idée chrétienne, de ne point limiter leurs regards aux horizons restreints que découvre la science humaine de la vie. Qu’ils cessent, un moment, de chercher le type suprême de la beauté dans les démarches aveugles où se complaisent leurs eosmogonies. Qu’ils essaient d’abandonner l’idéal de la matière pour se placer davantage au point de vue de la liberté, — liberté au fond d’eux-mêmes, et liberté dans l’Etre d’où descend tout accroissement. De là, sans que se déchirent tous les voiles de déterminisme, ni qu’aux liaisons intimes et organiques succède un réseau tout fait d’artificiel et de conventions, ils verront les irrégularités fragmentaires dont leur esprit est choqué se coordonner dans un ensemble flexible et varié, éclairé de l’amour d’un Dieu, investi de prolongements surnaturels, — centré, pour tout dire, autour de Jésus-Christ. L’Univers s’harmonisera, devant eux, dans une unité très supérieure à celle qui les charmait. Et alors, peut-être, ils commenceront à apprécier la beauté de la physionomie de l’homme, telle que l’Eglise la protège avec une jalousie sainte.

P. Teilhaud de Chardin.


HONORIUS (LA QUESTION D’)- — I. Etat de la question. Objection. — II. Exposé des faits. — III. Solution. — Bibliographie.

I. Etat de la question. — Un des arguments que l’on a le plus faitvaloir contre l’infaillibilité des papes est tiré de la conduite du pape Honorius dans l’affaire du monothélisme.

La doctrine de l’Eglise au sujet de l’infaillibilité pontificale est ainsi définie par le concile du Vatican :

« …Le pontife romain, lorsqu’il parle ex cathedra, 

c’est-à-dire lorsque, remplissant la charge de pasteur et docteur de tous les chrétiens, en vertu de sa suprême autorité apostolique, il définit qu’une doctrine sur la foi ou les mœurs doit être crue par l’Eglise universelle, jouit pleinement… de l’infaillibilité. .. « (Snss. VI, cil. 4- Cf. dans ce Dictionnaire l’article Papr.) Il suffirait donc, pour prouver que ce privilège repose sur une base ruineuse, de trouver dans la série des successeurs de Pierre un seul pape qui librement, en connaissance de cause et en invoquant

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