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IMiMANENCR (MÉTHODE D’)

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mente avec le surnaturel, quelque docitlé ([u’il reste, légitimement, une fois retranché dans le principe d’immanence, légitime lui-même, à ne s’aboucher qu’avec ce qui en porte le laisser-passer, ce qui en arbore les couleurs.

Or, c’est cela qu’on aurait beau jeu de faire : A fini repousse le surnaturel par une (in de nonrecevoir, à qui se llatte de pouvoir décliilFrer seul l’cnigme de la vie et se moque qu’on en propose une sohition miraculeuse, à qui se roidit devant l’annonce d’une vocation supérieure comme devant une nouvelle importune et

trouble-fête, on aurait à

opposer la seule réplique qui soit pertinente : à travers l’éeorce ouverte des doctrines philosopliiques, on lui montrerait, au cœur des systèmes par lesquels il s’enchante comme du fruit suprême de sa raison, le ver inaperçu qui les ronge et déjà les a condamnés ; on le ferait s’avouer à lui-même que lorsqu’il se dit satisfait, il ne l’est pas, que le problème essentiel, celui qui est la principale raison de philosopher, reste toujours béant, même après qu’il a tenté de le combler avec ses pensées humaines, et qu’il en est réduit, bon gré, mal gré, en face du mystère de sa destinée, à souhaiter, à invoquer de toute sa détresse une parole révélatrice.

C’est quand l’orgueil s’est dépris de lui-même, quand il a compris la nécessité d’une recherche et même d’une attente, quand il tend les mains et l’oreille et le c(eiir ers un libérateur inconnu, c’est alors que la bonne nouvelle peut se proposer nrec chance d’être écoutée, alors que l’apologétique, celle du dedans, peut sous ses multiples formes déployer sa tactique de conquête et commencer l’in’estissement des âmes. Et à qui s’indigne comme d’une tyrannie devant robligation du surnaturel, à qui en refuse l’aumône, parce qu’il se juge assez riche, à qui décline avec une lâche modestie le lourd honneur de l’Apothéose, on aurait à faire la seule réponse qui soit péremptoire : derrière le voile déchiré qui le cachait à lui-même, on lui découvrirait, au centre de son âme, un besoin qu’il ignorait et qui n’y est pas moins, présent et agissant, comme un principe anonyme d’inquiétude et de mouvement ; et, peu à peu, dans son cœur où l’on aurait fait grandir le silence, on l’amènerait à percevoir, élargi et interprété, l’écho de la plainte profonde qui en lui, par lui, malgré lui, exprime la foncière indigence de son état et ses incoercibles requêtes.

I.a tyrannie n’existe pas dés qu’on demande ce qui est imposé, et le don subsiste si l’on a reçu de quoi demander.

Telle est la tâche qui se présenterait, tout indiquée, à l’apologiste, avant même qu’il puisse songer à développer les preuves objectives du surnaturel ; tâche qui réclamerait une méthode propre, précise, et d’essence philosophique : c’est ce qu’on appellerait la Méthode d’immanence » ; tâche enfin qu’il serait, par hypothèse, légitime d’entreprendre, en paix de théologie, et dont il n’apparait pasinmiédiatement qu’elle soit concrètement et liumainement impraticable, puisqu’en visant à déceler dansl’liomme historique un besoin du surnaturel, elle se proposerait simplement de révéler, comme étant, cela même qu’on saurait qui est.

Dans ces conditions, la question qui se pose est celle-ci : la thèse d’un besoin du surnaturel présent à l’homme, est-elle fondée, est-elle vraie ? C’est la question préjudicielle qu’il faut tout d’abord tirer au clair ; nous saurons alors si le principe même de la méthode d’immanence est condamné. De là un premier et très court paragraphe : le besoin du surnaturel et l’orthodoxie.

Ayant avec les partisans de la méthode d’immanence, en leur nom et pour leur compte, répondu allirmativement à cette question, il y aura lieu de passer à la description de la méthode elle-même. Ce sera le second et le plus inqiortant paragraphe : la méthode d’immanence, ou : la philosophie et le besoin du surnaturel.

3) Le besoin du surnaturel et l’orthodoxie. — A considérer la nature humaine dans ses rapports avec le surnaturel, il faut, indépendamment d’un irréel état de nature qui, de l’aveu de tous, n’a jamais existé, distinguer trois états concrets, historiques, qui se partagent l’humanité.

D’une part, en elTel, il y a les âmes que la grâce sanctifiante a viviliées, qu’elle vivifie encore, ce sont les âmes de ceux qui ont répondu à l’appel rédempteur ; pour eux a commencé déjà de s’établir cette relation inouïe d’amour, en quoi consiste l’ordre surnaturel, <i cette adoption déilique qui, renversant en quelque sorte, sans d’ailleurs le supprimer, le rapport nécessaire du Créateur à la créature, introduit celle-ci dans la vie intime de la Trinité, filialeiucnt ». L’état de ces âmes est un état de vie surnaturelle.

D’autre part, il y a les âmes qui, ayant été divinement viviUées, ont tué en elles, par une faute grave, le principe de la vie ; âmes surnaturellement mortes et dépouillées, pareilles au Prodigue, et qui gardent du rang dont elles sont déchues juste assez pour marquer leur état actuel d’un caractère positif de privation, — ce qu’elles n’ont plus servant encore à déterminer et à juger ce qu’elles ont. C’est Vétat de mort surnaturelle, dont on sort par la contrition et le pardon.

Enfin, il y a les âmes qui ne se sont point encore récusées d’une manière irrévocable en face de l’Appel clairement discerné dans les échos de la révélation extérieure, ou confusément perçu dans les mille succédanés par où l’indispensable Vérité trouve toujours moyen de se proposera la conscience ; âmes restées en dehors de l’état surnaturel, mais pour qui celui-ci demeure cependant le festin toujours ouvert, sans qu’il y ait pour elles d’autre perspective possible : ou la lumière de la fête ou les ténèbres extérieures, puisqu’une fin naturelle n’existe pas ; âmes en roule, in i(o, dont on ne peutdire ni qu’elles soient vivantes ni qu’elles soient mortes’tant qu’elles sont encore en mouvement. Pour elles, pour ces conviés auxquels proprement s’adresse l’apologétique, il y a lieu de distinguer un troisième état, intrinsèquement dilférent des deux autres : pour la symétrie du discours et la précision des idées, afin de marquer aussi

« le déséquilibre d’une destinée traversée par une

déchéance et travaillée par un intime rappel », on a proposé de le dénommer état transnaturel.

Ces trois états sont ici-bas, pour l’homme après la chute, les seuls états réels, concrets, historiques ; tout homme est nécessairement dans l’un des trois.

Hegardons-y de plus près.

a) — Dans Vétat surnaturel, la grâce sanctifiante est pour l’àme le principe d’une vie nouvelle, incommensurablerænt supérieure à l’autre et seule proportionnée aux lins du salut. Kéellement distinctes l’une de l’autre, ces deux vies ne se développent pourtant pas parallèlement, sans comnmnication

1. Du moins de cette « seconde mort » qui suit la faute personnelle, — par opposition à l’état de mort dans lequel nous naissons à cause du péché originel. — Les enfants non baptisés sont dans Vetat t/ansnaturel mais s’ils meurent avant d’avoir pu prendre part à l’épreuve personnelle, leur sort est réglé par une économie spéciale. Il ne sera pas question d’eux dans ce qui suit.