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JEANNE (LA PAPESSE)

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relatives à la papesse, ijui ne sont autres que celles de Martin Polonus. Cf. L. Duehesne, Le Liber pontificalis, t. II, p. xxvi-xxvii (donne le fac-similé de cette page du manuscrit). Le texte de Marianus Scotus n’est pas authentique ; il n’est pas dans le manuscrit original, mais seulement dans un manuscrit du XIV’siècle, qui contient moins la chronique de Marianus Scotus qu’une chronique nouvelle pour laquelle Marianus Scotus a été grandement utilisé. Cf. Waitz, Mon. Germ. hist. Script., t. V, reproduit dans P. L., t. CXLVII, col. 605-606. 620 (l’interpolation sur la papesse ne figure pas dans cette édition, col. 769). Le texte de Sigebert de GemMoux n’est pas authentique. Absent de tous les manuscrits connus, il se lit dans l’édition princeps, due à Antoine Rufus (Roux) et à Henri Estienne, Paris, 1513. Est-il l’oeuvre de l’un des éditeurs, ou l’ont-ils trouvé dans un manuscrit dont on a perdu les traces ? C’est ce qu’on ignore. Cf. Belbmann,.)/o/i. Germ. hist. Script., t. V, reproduit dans /’. /.., t. CLV, col. 154-155, iGi-16a, note, 403-40^, note. Il n’y a pas à s’arrêter à l’hypothèse inconsistante de Panvinio, dans ses notes sur Platina, Le vite de’Pontefici, Venise, 1663, t. I, p. 209, d’après laquelle le texte concernant la papesse aurait pour auteurs le moine Galfrid (ou Geoffroy) de Monmoulh, ; - 115/|, et le continuateur de Sigebert, Robert de Torignj’, -1- 1186. Le texte d’Othon de Ereising n’est pas authentique ; il manque dans les anciens manuscrits. Le texte de Richard de Poitiers ne se lit que dans un manuscrit et est la reproduction presque liltèrale de Martin Polonus. Le texte de Godefroy de Viterbe n’est pas authentique ; les anciens manuscrits ne le contiennent pas. Le texte de (iervais de Tilbury n’est autre chose que le passage de Martin Polonus. Bref, des onze textes allégués dans le débat, et qui s’échelonneraient entre les années 886 et 1279 environ, il n’y a à retenir que les textes de la chronique universelle de Metz, d’Etienne de Bourbon, de la chronique d’Erfurt, de Martin Polonus (ou d’un de ses contemporains), qui vont de laSo aux alentours de 1 279.

c) La filiation des textes. — Ces onze textes se ramènent à deux groupes. Dans le premier, nous avons le texte de la Clironica uniersalis Hfettensis, le plus ancien connu, celui d’Etienne de Bourbon qui en dépend et celui du mineur d’Erfurt, qui dépend peut-être des deux et à peu près sûrement d’Etienne de Bourbon. Dans le second groupe, tous les textes se rattachent à celui de Martin Polonus, qui a pu connaître l’un ou l’autre des textes précédents, mais qui puise à d’autres sources. Le texte de Martin a passé, tel quel ou à peu près, dans des manuscrits du Liber pontificalis, dans un manuscrit de Richard de Poitiers, dans un manuscrit de Gervais de Tilbury. Il a inspiré les interpolations plus courtes de Marianus Scotus, de Sigebert de Gembloux, de Godefroy de Viterbe, et probablement celle, encore plus brève, d’Otbon de Freising.

d) Le contenu des textes. — 1. Premier groupe. — La Chronica universalis Mettensis rapporte que le Saint-Siège fut occupé par une femme (qui n’est pas inscrite dans le catalogue des papes). Elle simula le sexe viril et, très intelligente, devint notaire de la curie, cardinal, pape. Un jour, ayant monté à cheval, elle fut prise des douleurs de l’enfantement. La justice romaine la condamna à être liée par les pieds à la queue d’un cheval, qui la traîna à une demi-lieue de dislance, pendant que le peuple la lapidait. 01 elle mourut elle fut ensevelie, et là on écrivit ce vers : Petre, pater patrum, papisse prodilo partum Sous son pontifical avait été institué le jeûne des quatretemps, appelé jeûne de la papesse. Même récit, en

termes parfois identiques, dans Etienne de Bourbon, qui ajoute deux détails, à savoir qu’elle vint à Rome (la Clironica unnersalis Mettensis ne dit pas qu’elle ne fut point d’origine romaine), et qu’elle devint cardinal et pape avec l’aide du diable. Deux variantes dans le vers cité : Parce au lieu de Petre, et proderc au lieu de prudito. Le mineur d’Erfurt abrège le récit, mais non sans y introduire du nouveau : il conlirme l’existence de la papesse par l’aveu des Romains, il dit qu’elle était belle, et il modifie le rôle du démon prétendant qu’il révéla, dans un consistoire, qu’elle était enceinte et lui cria ; Papa, pater patrum, papisse pandito partum. Il ne raconte pas la fin de l’aventure. La chronique de Metz contient le texte sur la papesse après le pontificat de Victor iii, -j- 108 ;  ; Etienne de Bourbon dit que la chose se i)assa vers 1100 ; le mineur d’Erfurt la place vers 915.

?. Second groupe. — Ici la narration s’est complétée et compliquée. D’après Martin Polonus, Jean d’Angleterre, né à Mayence, occupa le trône pontifical deux ans, sept mois et quatre jours. C’était une femme. Jeune, elle avait été conduite, sous un costume d’homme, à Athènes par son amant. Elle y progressa dans les sciences, au point que, enseignant le trivium à Rome, elle eut les grands maîtres pour auditeurs et disciples. Parce qu’elle jouissait d’une réputation de savoir et de bonne vie, elle fut élue pape de l’accord de tous. Enceinte et ignorant la date de son enfantement, comme elle allait de Saint-Pierre au Latran, entre le Colisée et l’église de Saint-Clément, elle enfanta, mourut au même lieu et y fut ensevelie. Et, comme le pape évite toujours de passer là, plusieurs croient qu’il le fait à cause de l’horreur inspirée par cet événement. La papesse succéda à Léon IV, ~ 855. Le Saint-Siège vaqua un mois après sa mort. Ce récit est reproduit ou abrégé dans les diverses interpolations qui ont été signalées. Deux variantes sont à noter : l’interpolateur du Liber pontificalis assigne au pontificat de Jeanne une durée de deux ans, un mois et quatre jours ; celui de Marianus Scotus, deux ans, cinq mois et quatre jours. On donne à la papesse la succession de Léon IV. Seul l’interpolateur d’Othon de Freising — serait-ce parce qu’il a reconnu l’impossibilité d’intercaler la papesse entre Léon IV et Benoit III ? — a transformé en ])apessc Jeanne le pape authentique Jean VII, à l’année 705.

B. Laoenkse DELA légende, o) E.rplications fuusscs.

— 1. L. Allatius, Confalatio fabulæ de Joanna papissa ex monumentis græcis, Rome, 1630, reproduit par Ciaconius, Vitæ et res gestæ Puntificum romanorum et S. Il.E. cardinalium, Rome, 1677, t. I, p. 631-G32, a rappelé qu’un synode de Mayence, en 8^7, condamna’Thiota, une pseudo-prophétesse. Plus lard, sachant qu’une femme avait prophétisé, prêché, exercé les fonctions les plus hautes du sacerdoce, des hommes ignorants et simples imaginèrent que cette femme avait occupé le Saint-Siège, car c’est là qu’on exerce le ministère de la parole avec une autorité suprême et les fonctions les plus élevées du sacerdoce. L’explication est bien invraisemblable.’J. Celle de Leibnitz, Flores sparsi in tumulum papissae, dans Scheidt, Bibliotheca historica Goettingensis, Goettingen, 1758, t. I, p. 297, d’après laquelle il se pourrait qu’une femme, dissimulant son sexe, fût devenue évêqueen dehors de Rome, et eût donné naissance à un enfant pendant une procession à Rome, et serait ainsi la cause première de la légende de la papesse, paraît justement à Doellinger, Die l’apstfabeln, p. 4, « un expédient de fort mauvais aloi ».

3. Nous en dirons autant de l’hypothèse de