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GALILEE

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n’avaient pas trop de difTicullé à opérer la conciliation, au moins sur certains points, comme celui du mouvement des astres ; mais il n’en allait plus de même au xvii* siècle, et les excgètes d’alors, en essayant de travailler dans le même sens, marchaient d’avance à un échec.

Pour en venir au point particulier qui nous occupe, il faut avouer que beaucoup d’auteurs se sont crus autorisés à apporter, en confirmation de leurs idées astronomiques, certains passages de la Bible qu’ils prenaient dans le sens propre. Ils alléguaient, par exemple, en faveur du système géocentrique, les textes de Jos., x, 12 ; Eccles., i, ^ ; Ps. xviii, 6 ; Ps. xcn, I ; Ps. ciii, 5 ; Eccli., xliii, 26. Ce sont ces textes qui ont empêché Tycho-Bralié d’admettre le système de Copernic, dont il était pourtant un sincère admirateur ; ce sont ces textes que les premiers chefs protestants opposèrent, dès le début, au chanoine astronome’. Le célèbre Serarius lui-même, dans son commentaire du chapitre X de Josiié, condamnait expressément la doctrine du mouvement de la terre, comme en contradiction avec l’Ecriture et avec l’opinion des philosophes, des théologiens et des Pères’-.

Voici le passage qui sert de thème ordinaire à la discussion ; il est tiré du Livre de Josué, à l’endroit où riiistorien raconte comment se termina la bataille de Béthoron, dans laquelle furents défaits les Chananéens du sud de la Palestine :

12. <i Alors Josué parla à lahve, le jour où lahve livra les Amorrhéens aux enfants d’Israël ; il dit à la -ue d’Israël :

Soleil, arrctc-toi sur Gabaon

Et toi, lune, sur la vallée d’Aialon ! 13. Et le soleil s’arrêta, la lune se tint immobile,

Jusqu’à ce que la nation se fût vengée de ses ennemis.

N’est-ce pas écrit dans le I.iire du Juste ?

Le soleil s’arrêta au milieu du ciel

Et ne Iivta pas son coucher comme tout un jour.

14. Il n’y eut pas, avant ni après, de jour comme celui-là, où lahve obéit à la voix d’un homme, car lahve combattait pour Israël. »

Nous n’avons pas à nous occuper ici de l’historicité du récit, ni à faire la critique littéraire du texte. La question, pour nous, se réduit à ceci : quel sens avait-on donné à la lettre du texte jusqu’à Galilée ?

— Quel sens convenait-il de lui donner, si l’opinion soutenue par Galilée était exacte ? N’ayant pas à faire l’exégèse ni l’apologie du texte biblique lui-même, nous passerons sous silence les explications que des auteurs plus modernes ont cru pouvoir donner de ce passage de Josué ^. Qu’il nous suffise de rappeler celle que les juges de Galilée auraient pu lui donner, sans s’écarter de la plus stricte orthodoxie, en se tenant aux principes d’exégèse posés par les anciens auteurs.

Le texte que nous venons de rapporter ne souleva, dans l’antiquité chrétienne, aucune controverse ; chacun l’entendait dans son sens obvie, celui que suggérait tout naturellement la lettre, étant donnée la science d’alors. On a noté que les anciens exégètes, qui s’étaient assigné la tâche d’élucider les passages obscurs de la Bible, n’avaient point cliissé celui-ci dans cette catégorie’. St. Augustin n’en dit pas un

1. Cf. Jean Jansscn, L’AUema/jne et la lii-forme, t. Vil, p. 307.

2. Nie. Serarii,.S. J., Josiic ab utero ad utque ej’us turnuhtm. .. explttnatu », Moguntioe, 1609.

: (. Revue pratii/ue d’Apologétique, 15 juin 1907, p. 3.’il.

Article de H. Lcsétre.

4. F. Vigoureux, Les Livre » saints et la critique rationaliste, Paris, 1902, t. IV, p. 459.

mot dans ses Questions sur le Livre de /oshc. Quant aux commentateurs de ce passage, Origène.Théodoret de Cyr, Procope de Gaza, le Vénérable Bède, ils n’en parlent qu’incidemment et se bornent à constater le fait’.

De ce que les Pères ont interprété ici l’Ecriture d’après les théories de Ptolémée, peut-on inférer que leur témoignage s’impose sur ce point à l’adhésion des fidèles ? En aucune façon, car ce témoignage ne porte pas sur un texte doctrinal, c’est-à-dire ayant trait à une question dogmatique ou morale et, en second lieu, les Pères, quand ils parlent d’astronomie, ne s’expriment pas en docteurs catholiques, c’est-à-dire ne donnent pas leur interprétation comme étant celle de l’Eglise. Leurs affirmations scientifiques n’ont donc que la valeur des arguments sur lesquels ils les appuient.

Si, des Pères, nous passions aux docteurs du moyen-âge, nous constaterions que les seconds, pas plus que les premiers, n’ont compromis l’autorité de leur enseignement dans une aventure scientifique et n’ont jamais soutenu conmie obligatoire, au nom de la révélation, le système de Ptolémée. Qu’il nous suffise de citer St. Thomas ; dans son commentaire sur le Traité du ciel et du monde d’.ristote, il affirme que la terre est immobile, mais, fidèle à ses principes, il n’a garde d’apporter en preuve des textes tirés de la Ste. -Ecriture,.illeiirs, parlant du miracle raconté au /.ivre de Josué, le Docteur Angélique prend le texte dans son sens littéral, mais n’en infère rien au point de vue dogmatique. Et nous savons d’ailleurs qu’il admettait que la Bible parle le langage des apparences 2.

2" Intervention de Galilée. — De ce qui précède l’on peut conclure que, jusqu’à la lin du xvi’siècle, aucune voix autorisée ne s’était élevée dans l’Eglise pour déclarer la doctrine de l’immobilité de la terre comme étant de foi divine, parce que contenue dans la Ste.-Ecriture. Mais, dans les discussions entre particuliers, on était sans doute moins réservé. Nous avons vu que, dès l’apparition du système de Copernic, on avait fait arme contre lui des textes bibliques. Dans la préface de son ouvrage De Hevolutionibus, le chanoine avait protesté d’avance contre ceux qui lui opposeraient certains passages détournés de leur véritable sens : « S’il se trouve des sots qui, tout ignorants qu’ils soient des sciences, s’en croient assez pour arguer contre mon système de quelques textes de l’Ecriture qu’ils interprètent faussement suivant leurs idées, je m’en soucie assez peu et méprise leurs appréciations sans valeur’. » Plus tard, le grand Kepler lui-même s’unissait à ces protestations :

« Les Stes. -Lettres parlent des choses vulgaires

d’une façon commune, de façon à être comprises de ceux à qui elles s’adressent, et leur but n’est pas de nous instruire sur ces points-là’. « 

D’autres ne s’en tenaient pas à ces remarques fort justes et, tombant d’un excès dans un autre, ils cherchaient dans l’Ecriture des textes positifs en faveur du mouvement de la terre. Ainsi faisaient Foscarini et Zunica. Ceci était regrettable, mais l’autorité ecclésiastique n’aurait sans doute pas été amenée à trancher la question d’une façon aussi bruyante, sans l’intervention de Galilée.

En iGii, François Sizi publiait, contre les idées

1. Cf. ])0ur le détail des références Cursus Scripturac Sncrae, Paris, Lelhiilleux. In Josue, p. 239.

2. De cæli’et mnndo, lib. II, lcct. 26. — S « mm. T/ieo/. Il’II", q. Vk, t,. 4. — Id. I’. q. 70, a. 1.

3. /Je 7î « i(i/w<ionivuj… Nuremberg, 1543. Ad. S. S. Paulum III Præfotio. p. iv.

4. Asironomia Nova…Prague, 1609, p. 4-5.