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1887

LIGUE CATHOLIQUE (LA SAINTE)

1888

n’en alla pas de même après le traité ile Nemours. SisTE-QuiNT dut croire à la sincérité de l’entente entre le roi et les grands seigneurs catholiques, d’autant que l’un de ceux-ci, le duc deXevers, à moitié italien, était à ce moment auprès de lui, sollicitant son intervention. Le devoir de sa charge lui commandait de soutenir le mouvement national qui se dessinait en faveur de l’Eglise. D’après le droit canon et le droit public de l’époque, Henri de Navarre était, par le fait mèuie de son hérésie, dans laquelle il était retombé après l’avoir abjurée à la Saint-Barthélémy, déchu de son royaume et de ses droits à la couronne de France, ses sujets déliés de toute obligation de fidélité. Et, circonstance singulière dans son cas, la seule excuse qu’il pût invoquer, la violence qui lui avait imposé sa conversion, les Valois, auteurs de la contrainte, se gardaient bien d’en témoigner auprès du pape.

Sixte-Ouint se borna à rappeler ces dispositions de droit dans sa bulle du g septembre 1585, mais à rencontre se dressaient les théories gallicanes des légistes et parlementaires, en vigueur dans le droit politique de France, au moins depuis Philippe le lîel. Le parleuient présenta des remontrances sur la liulle, la déclara nulle et non admissible, parce que le pape disposait d’une couronne qui ne lui appartenait pas. Il en prolitail pour exhaler ses regrets sur l’édit d’union, qu’il avait enregistré par contrainte, et exhortait le roi à ramener les huguenots par la persuasion. La note violente fut donnée par les gallicans outrés : ils firent allicher à Rome un appel au futur concile, qu’avait rédigé l’annaliste Pierre de Lestoile et qui insultait le pape, le traitant de menteur, d’hérétique et d’Antéchrist.

Plus étrange encore fut l’attitude de Henri III. Il exprima son mécontentement avec colère, laissa libre cours aux manœuvres gallicanes et encouragea l’opposition de la noblesse, qui désapprouva la bulle en grande majorité. Le pape n’en eut cure et vint encore au secours de la monarchie en lui accordant une aliénation de domaines ecclésiastiques, de cent mille écus de revenus, dont le produit serait consacré à la future guerre sainte. Mais ne devait-il pas conclure des derniers incidents, et les bons catholiques aussi, qu’un roi hérétique, qui aurait des alliés comme les parlementaires et les gallicans, pourrait tout se permettre, sans se soucier de sa conversion.

Cette affaire de la bulle avait fait éclater rop[)Osition irréductible entre le parti de la cour, les gallicans et les catholiques. Il en résulta un malentendu croissant, auquel contribuèrent encore, de i)art et d’autre, les passions et ambitions privées. On s’aigrissait mutuellement et, en octobre |586. les chefs ligueurs, à l’assemblée d’Ourscanip, près Noyon, proclamaient que leur devoir était de ne pas obéir, si le roi concluait quelque accord avec rhéréti(pu’. La guerre contre les huguenots se pré[)arait fort lentement, à travers toute sorte de dillicultés, parmi lesquelles figuraient au premier rang les dilinnces mutuelles, e()nii)étitions et conflits, les querelles, les haines mortelles qui provoquaient des brouilles irrémédiables (entre le favori Epernonel l’archevêfpie de Lyon Epinac, à pro[)os de la bulle contre Navarre).

Les deux partis catholiques s’organisèrent l’un contre l’autre, autant que contre les protestants. Après l’entrevue d’Ourscamp, les Ligueurs imposèrent une nouvelle formule de serment d’obéissance au roi. Ceux de Paris ébauchaient un projet de confédération entre les villes du Nord, avec un plan de campagne politiq>ie et militaire qui, après la mort du souverain régnant, assurerait le trône au cardinal de Bourbon, par l’entremise des Etats généraux. Des émissaires furent envoyés en province, et, en

juin 108^, Lyon, Toulouse, Orléans, Bourges, Nantes, etc., avaient signé la confédération, établi entre elles un service régulier de correspondance. Henri III crut couper court à toutes ces manœuvres par un plan de campagne qui échoua : la belle armée qu’il avait conliée à son favori Joyeuse fut battue à Contras, et Guise, avec le peu de troupes que lui donna son maître, réussit à rendre inutile l’invasion des reitres allemands (novembre ibSj). Le monarque les laissa se retirer du royaume sous de bonnes conditions, et Epernon, qui les avait ménagés, reçut le gouvernement de Normandie et les autres charges de Joyeuse enseveli dans sa défaite.

C’était une de ces maladresses par lesquelles le pauvre roi n’avait cesse de se discréditer. Sans doute il n’avait pas tort de vouloir sauver les derniers débris de sa puissance, en les conQanl à des amis surs, mais Epernon se faisait remarquer par son zèle pour le roi de Navarre ; à Paris, il était très impopulaire à cause de la morgue insupportable avec laquelle il traitait le peuple, lui et ses serviteurs : on le considérait comme la cause responsable de la déconsidération où était tombée la royauté. Il ne fut pas ditricile aux amis de Guise de tirer parti des derniers incidents pour réchaufler le zèle des Parisiens. En dehors de la noblesse qui marchait par intérêt ou devoir féodal, ils devenaient toujours plus nombreux, ceux à qui la conduite équivoque du roi donnait la conviction qu’il ne fallait plus compter sur lui pour la défense de la foi, que le duc de Guise restait le seul protecteur de la religion, dont sa valeur dans la dernière campagne l’avait sacré le héros.

Au moment où la rupture se consommait entre les Valois et les Guise, pour aboutir à la ruine des uns et des autres (1588), les catholiques zélés penchaient pour ceux-ci, à Paris et dans beaucoup de villes, et la Ligue était dans leurs mains. Elle ne s’étendit guère en dehors des provinces qu’ils dominaient, Bourgogne, Champagne, Picardie, Bretagne, Lyonnais, etc. ; les villes gouvernées par les seigneurs de la cour ou protestants, dans le centre et le midi, ne pouvaient songer à communiquer avec elle, néanmoins Rouen, Marseille, Toulouse et autres restèrent catholiques. Paris fut toujours le centre d’où partait)e mot d’ordre, le cœur île l’Union, la citadelle inébranlable qui tint jusqu’au bout, but constant des attaques de l’ennemi, exemple qui soutenait la persévérance des bons.

Nous avons dit que ceux-ci s’organisèrent, là comme en province, sous l’action des prédicateurs, clergé de paroisse, ordres religieux, jésuites, carmes, capucins, augusiins, etc., qui se prononcèrent en masse pour la Ligue. Maintenant ils ne séparaient plus la cause de Henri III de celle du Navarrais. Non seulement en chaire, mais dans les rapports incessants, familiers, qu’ils avaient avec le peuple, ils ramenaient toujours son attention sur le fait du jour, la lutte contre les huguenots, la trahison des ofliciers royaux, d’Epernon notamment, qui pactisait, prétendaient-ils, avec les hérétiques. Ils ne craignaient pas d’exagérer, se servaient de nouvelles fausses, tendancieuses oumal interprétées, qu’ils répandaient, exploitèrent l’exécution de Marie Stuart (l’év. 1687), représentèrent cette princesse conmie la martyre d’Elizabeth, souveraine illégitime, hérétique, relapse, excommuniée et déposée parles papes, le vrai pendant du roi de Navarre.

Le tableau de cette exécution, exposé dans les rues de Paris, avertissait les catholif|ues du sort qui attendait beaucoup d’entre eux, le jour où les protestants trioin]>her.iient avec la connivence de la cour et des gouvernants.

La principale force de la Ligue résidait dans les