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NORD (RELIGIONS DE L’EUROPE DU)

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Yaga, qui habite à la lisière des forets dans une cabane posée sur une patte de poule et tournant à tous les vents. Tient-on compte, par ailleurs, des héros tels que Sviatogor, ce géant dont la terre peut à ppine supporter le poids écrasant, des vainqueurs de drajîons, etc., on voit aisément combien considérable et varié tout à la fois est le panthéon russe.

Quel culte, dans les temps anciens, les lidèlos reiulaient-ils à leurs dieux ? quels sacrifices leurs offraieat-ils ? Répondre à ces questions n’est pas très aisé. Néanmoins, les textes permetlent d’allirmer l’existence d’idoles de Peroun dressées sur des éminences, au x’siècle, à Novogorod la grande et à Kiev ; on en peut conclure que des tertres, des collines boisées ou non constituaient les teiuples des divinilés russes. On sait que, dès la première moitié du x* siècle, les Russes juraient par le urs épées, par Volos et par Peroun. On sait aussi que saint Vladimir — celui (lu’AUVed Uambaud appelle le « Clovis des Russes » et qui régna de 972 à ioi.5 — on sait qu’il érigea diverses idoles sur li>s falaises sablonneuses qui dominent le Dniepr à Kiev ; au milieu de ces idoles se trouvait le dieu du tonnerre. Peroun, en bois, avec une tête d’argent et une baibe d’or, tenant une pierre à feu daus la main. Un feu de bois de chêne était constamment entretenu auprès de cette statue anlhropomorpliique, au pied de laquelle Vladimir fit égorger deux Varègues cliréliens, ce qui permet peut-être de conclure à la possibilité de sacrilices humains en l’honneur de Pérouu. On sait encore qu’en 988 Vladimir converti renversa les idoles au milieu des pleurs et de l’épouvante des Russes ; alors Peroun fut fouetté, attaché à la queue d’un cheval et jeté dans le Dniepr. « On montre encore sur le flanc des falaises kiéviennes la Dégringolade du diable et, plus loin, l’endroit où Peroun, porté par les eaux, échoua sur le rivage : là le peuple se remit à l’adorer, mais les soldats de Vladimir le rejetèrent dans les flots. » (A. Rambaud) On sait enlln que les Russes païens, non contents d’adorer les grands fleuves sur les bords desquels ils vivaient, faisaient des sacrifices aux lacs el aux fontaines. C’est certainement une survivance d’un très ancien état de choses que l’abandon, à litre d’actions de grâces, de quelques menus objets, fait aujourd’hui encore par les paysans aux rivières qu’ils ont traversées, ou sur lesquelles ils ont navigué sans encombres. Bien faible témoignage de gratitude, comparé à celui de Stenko Razine, le chef des Cosaques du Don ; au xvii » siècle, après une fructueuse expédition sur les bords de la « mère Volga », il précipita dans les eaux de ce fleuve une belle caplive persane qu’il aimait tendrement. — Enfin, dans léchant que répètent les paysannes de la Petite-Russie quand elles vont chercher des fleurs et des branches de bouleau, ne doit-on pas trouver le souvenir des olTrandes que les ancêtres de ces mêmes paysannes portaient naguère au bouleau fétiche qu’elles adoraient — des pâtés, des gâteaux, des omelettes ?

Il ne semble pas que les anciens Russes possédassent un clergé ; aucun texte n’en montre l’existence. C’était les chefs qui accomplissaient les sacrifices. Par contre, les chants populaires attestent l’influence profonde des sorciers ou des devins analogues aux charaans talars ; leurs conseils étaient fort écoutés, et le sont encore en Russie comræchez les autres peuples slaves, où le sorcier et plus encore la sorcière jouissent d’un grand prestige auprès de la masse. Si parfois le magicien est maltraité, il est généralement bien vu el hautement considéré ; on le consulte sui’l’avenir, sur les présages ; on a recours à lui pour obtenir de bonnes récolles, pour se

préserver de maux de toutes sortes.CiiRARD dr Riallu a vu en lui le prêtre populaire, lepontife d’une vieille religion inoubliée et antérieure aux divinités du polyihéisme national.

Ce sont probablement encore des vestiges de cette vieille religion que les attentions des paysans russes pour les serpents qui viennent s’établir dans leurs isbas ; on leur tient toujours du lait prêt pour boire ; les tuer serait un crime. De même doit-il en être pour les curieuses coutumes, de caractère païen, pratiquées par les mêmes paysans au printemps ou à l’automne, à l’époque des solstices. Là subsistent encore des usages tout à fait archaïques, comme on n’en rencontre plus guère, même dans les campagnes russes, dans les cérémonies cependant si traditionnelles de la naissance, du mariage et de la mort, dans les rites funéraires en particulier.

A ce dernier point de vue, l’érudit, aussi loin qu’il peut remonter dans l’élude du passé, constate la pratique de l’inhumation et de l’incinération des morts. L’ànieerreau hasard sur les arbres jusqu’au moment de l’ensevelissement ; ensuite seulement, la duslia peut entreprendre son long voyage et arriver par le chemin des âmes — parla voie lactée ou par l’arC-en-ciel — aux campagnes ou aux forêts des esprits. Pour lui permettre de faire plus fæiUment la route, on lui donne une petite échelle pour sortir du tombeau, et quelque menue monnaie pour le voyage. Telle était la conceplion des Russes qui pratiquaient l’inhumation, ceux de l’Ilmen, par exemple ; les autres incinéraient les défunts, mus par un aiilie sentiment. L’un d’eux l’indiquait au x’siècle à l’Arabe Ibn-Foszlan : « Nous les brûlons en un clin d’œil, pour qu’ils aillent plus vite en paradis. )).insi se trouve attestée la croyance à l’immortalité de l’âme ; mais la vie d’outre-tombe est une vie singulièrement matérielle, et analogue à la vie terrestre. C’est pourquoi on brûle des servantes et des serviteurs avec le mort pour lui servir de compagnons dans l’autre monde ; de même aussi (les fouilles des Kourganes l’ont prouvé) ou inhumait avec les défunts des serviteurs et des femmes esclaves, des animaux domestiques tels que des chevaux, des chiens, et aussi des armes, des ustensiles de nature dilTérente, des bijoux, des grains de froment, tout ce qui pouvait contribuer à leur bien-être dans une existence nouvelle, ne ililTérant en rien de celle qu’ils avaient menée sur la terre. Est-ce en souvenir de ces vieux usages que les paysans russes placent encore parfois, dans ou sur les tombeaux, des aliments destinés aux morts que renferment ces mêmes tombeaux ?

1. Les Polonais. ^ Comme en Russie, il existait durant les premiers siècles du moyen âge, dans les contrées qui devinrent plus tard la Pologne, de nombreuses divinités païennes ; mais il n’est guère facile de les dégager des formes de la mythologie classique dont l’historien Dlugosz les a enveloppées au milieu duxv" siècle. Retenons du moins que les PolonaisadoraientYesza(^ Jupiter), Liada(= : Mars), Dzydzilelya (^= Vénus), Nyja (=^ Pluton), Dzewani (^ Diane) et Marzyana ( : = Cérès) ; ils avaient en outre un dieu de la température nommé Pagoda et un dieu de la vie appelé Zy wie. Ces divinités polonaises avaient, à en croire le même auteur, des prêtres, des temples bâtis de main d’homme el des bois sacrés, enfin des représentations figurées, des idoles que détruisit Mieczyslav, un des descendants de Piast. On leur ofl’rait des sacrifices, et même des sacrifices humains. A des époques fixes de l’année, on les fêtait dans de grandes cérémonies où des troupes d’hommes et de femmes hurlaient éperdunient des chants barbares.