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PAUVRES (LES) ET L'ÉGLISE


récemment la ruine de la civilisation antique et spécialement la crise du iiie siècle, qui devait aboutir sous Constantin au triomphe du christianisme, résume ainsi le rôle social de l’Eglise à cette époque :

« L’Evéque… était déjà un personnage considérable

de la ville ; non seulement parce que les lidèles étaient nombreux, mais parce que le christianisme avait déjà organisé ce merveilleux système d'œuvres d’assistance et de bienfaisance, qui fut sa plus grande création sociale et une des causes de son triomphe. Les communautés chrétiennes pourvoient partout, non seulement aux frais du culte et à l’entretien de ses ministres, mais au secours des veuves, des orphelins, des malades, des impotents, des vieillards, des gens sans travail, de ceux qui ont été condamnés pour la cause de Dieu ; elles s’occupent de racheter les prisonniers emmenés par les Barbares, de fonder des églises, de prendre soin des esclaves, d’ensevelir les pauvres, d’hospitaliser les coreligionnaires étrangers, de recueillir des subventions pour les communautés pauvres et menacées. Les biens, que possèdent les communautés chrétiennes, proviennent en grande partie de dons faits par les riches, dont beaucoup, soit de leur vivant, soit après leur mort, laissaient à l’Eglise une partie ou la totalité de leur fortune… Au milieu de la crise générale du nie siècle, les églises chrétiennes apparurent comme un port sur dans la tempête. Tandis que les âmes d'élite parvenaient au christianisme à travers leur propre douleur, par la vision de la douleur d’autrui, ou le dégoût du monde bouleversé et contaminé, dans un élan suprême vers la paix et la béatitude, les foules étaient attirées à la foi nouvelle par la généreuse assistance dont l’Eglise était si large envers les malheureux et qu’animait un souffle divin de charité, inconnu à l’assistance olTicielle ou à la protection politique des grandes familles de l’ancien Etat païen. Si la foi attachait les lidèles à l’Eglise, d’autres liens matériels renforçaient etBcacement la puissance et l’autorité de la religion : les aumônes, les subsides, l’assistance, les offices, les charges ecclésiastiques et les revenus qui y étaient attachés, enfin la gestion des terres récemment acquises, qui employait un nombre toujours plus considérable d’agents-esclaves, travailleurs, colons, administrateurs. »

Cette description synthétique ne doit pourtant pas nous faire oublier — M. Guglielmo Ferrero le reconnaît d’ailleurs ^ que le christianisme était loin de jouir, comme le mithraïsme, de la faveur impériale, qu' « il eut à endurer pendant le iiie siècle de cruelles persécutions, et qu’il fut toujours regardé par les pouvoirs publics, même dans les moments où les persécutions étaient suspendues, avec une méfiance hostile, qui contraste avec la faveur accordée au mithraïsme » (GuGUELMO Ferrero, La ruine de la Civilisation antique. — La crise du Ule siècle, Revue des Deux Mondes, 15 février 1920). Et dès lors son triomphe n’est que plus impressionnant.

IV. — Les pauvres dans l’Empire romain après Constantin. — 1° Les établissements hospitaliers. — L'édit de Milan (313) en mettant fin aux persécutions et en accordant à l’Eglise le plus précieux des biens, la liberté, lui permet d’apporter un changement profond dans l’exercice de la charité ; celle-ci peut désormais s’organiser au grand jour, et créer tous les organes nécessaires à son développement.

La liberté des cultes s’accompagne, en effet, de la liberté de posséder. L’Eglise a son statut légal. Elle rentre d’abord en possession des biens… confisqués sous Dioclétien, « lieux de réunion ou propriétés appartenant non à des personnes privées, mais à la corporation des chrétiens, ad jus corporis eorum, id

est ecclesiarum, non hominum singulorum pertinentia » (Lactancb, De morte persecut, , xlvui ; P. L, , Vil, p. 269). Constantin donne ensuite un exemple qui va désormais être suivi ; il fait aux églises « d’abondantes largesses et leur octroie des maisons, des terres, des jardins et autres semblables possessions n (EusÈBK, De vit. Constant., I, txxxv, et II, xxxix). En 321, chacun est autorisé « à léguer à la sainte et vénérable Eglise catholique telle part de ses biens qu’il voudra ». Les donations de terres, de maisons, de revenus fixes sous forme de fondations vont dorénavant se succéder et permettre une institution nouvelle, jusqu’alors impossible, bien que suppléée sous une autre forme par les diaconies, institution qui restera éternellement la gloire du christianisme : ['Hôpital, centre de charité et de dévouement, lieu de rencontre du pauvre qui souffre comme un autre Christ, et du riche qui l’assiste au nom de JésusChrist.

Sous ce terme générique, nous entendons les multiples établissements hospitaliers que nous révèlent à la fois les écrits des Pères de l’Eglise, les historiens ecclésiastiques, les conciles et le code de Justinien. Nous indiquerons ici les principaux :

10 Le Xenodocliium, ou A’enàn, asile ou hôtellerie pour les étrangers et les voyageurs. C’est < la maisonmère de toutes les maisons de charité, la tige de toutes les fondations pieuses : il abrite à la fois et les hôtes et les infirmes et les indigents ; saint Jean Chrysostome l’appelle le domicile commun de l’Eglise » (F. DE Ghampagny, La charité chrétienne aux premiers siècles de l’Eglise, Paris, 1856, p. 316). Les canons arabiques du concile de Nicée exigent « qu’il y ait dans toutes les villes des maisons réservées pour les étrangers, les infirmes et les pauvres. On leur donnera le nom de Xenodochium » (Can. 70, Mansi, II, p. 1006). Julien l’Apostat, pour stimuler le zèle des prêtres païens, leur ordonne d’imiter les chrétiens et écrit en 362 à Arsace, grand-prêtre de Galatie : « Pourquoi ne portons-nous pas nos regards sur les institutions auxquelles l’impie religion des chrétiens doit son accroissement, sur ses soins empressés envers les étrangers ?… Faites donc construire dans chaque ville beaucoup de Xenodochia… J’ai ordonné de répartir dans toute la Galatie Soo.ooo boisseaux de froment et 60.000 setiers de vin. Le cinquième appartiendra aux prêtres chargés de cet office, et le reste sera pour les étrangers et pour les mendiants. Car c’est une honte pour nous que parmi les juifs personne ne mendie et que les impies Gatiléens nourrissent non seulement leurs pauvres, mais encore les nôtres, qui paraissent ainsi privés des secours que nous devons leur fournir » (Julien, Œuvres, éd. Talbot, p. 4 1 3-4 1 4)- Saint Chrysostome — nul ne s’en étonnera — va plus loin que Julien. Loin de promettre comme lui un cinquième des biens des pauvres pour stimuler le zèle des mercenaires, il exhorte en ces termes tous les fidèles, en constatant que le Xenôn de Gonstantinople est trop petit pour recevoir tous ceux qui se présentent : a Faites vous-mêmes dans vos maisons un Xenodochium ; placez dans cette salle pour l'étranger, un lit, une table, un flaralieau… Que votre maison soit un asile généralement ouvert devant Jésus-Christ. A ceux que vous recevez, demanf/e : pour récompense, no « /)ai de vous donner de l’argent, mais d’intercéder auprès de Jésus-Christ, pour qu’il vous reçoive vous-même, dans ses tabernacles » (S. J. Chrysostome, In Âct., I/om.. XLV, P. G., LX). A Ostie, Pammachius et Fabiola établissent les premiers une hôtellerie pour les étrangers, et saint Jérôme, les louant de cet acte, écrit : « Le monde entier apprit bientôt qu’un Xenodochium avait été établi sur le port de Rome. L’Egyp-