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PIERRE (SAINT) A ROME

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et lui confère une signiQcation imprévue pour l’intelligence des origines chrétiennes. D’après les critiques de Tubingue, le roman pseudo-clémentin serait un monument de la lutte entre l’influence de l’apôtre Pierre et celle de 1 apôlrePaul ; une machine de guerre construite par les pétriniens pour combattre les pauliniens. Sous les traits de Simon le magicien, en réalité l’apôtre Paul serait visé. Le roman ébionite, dont la scène est sur la côte de Syrie, aurait eu pour objet précis de discréditer la propagande pauliniste. Après quoi un autre rédacteur, pour refaire l’unité chrétienne, aurait imaginé de réconcilier les deux Apôtres dans une commune évangélisation de Rome et dans le martyre. Tel est le système ébauché par F. G. Baur, perfectionné par R. A. Lipbius, notamment dans Quellen der rbmischen Petrussage, Kiel, 1872 ; Die apocrjphen Apostelgeschichten und Aposttllegenden, t. 11, Braunschweig, 1887.

Divers auteurs ont essayé de discerner dans ce fonds légendaire des éléments historiques : on voudra bien nous en dispenser, l’historicité de la venue de saint Pierre à Rome n'étant pas solidaire des récils relatifs à Simon. Par ailleurs, les constructions de Tubingue sont aujourd’hui bien démodées ; on en a dit un mot ci-dessus à l’article Paul et Paulinismb, et nous ne croyons pas devoir nous attarder à discuter en détail des positions que personne ne défend plus. A cet égard, notre tâche est plus facile que n'était celle poursuivie dans la première édition de ce Dictionnaire, à laquelle on peut encore se référer avec fruit. Deux observations générales suffiront. Les matériaux des constructions de Tubingue sont, dans l’ensemble, éloignés des origines, anonymes et manifestement romanesques. Quant à la mise en œuvre, on la trouvera hautement fantaisiste. Ce n’est pas par cette voie qu’on peut ressaisir les origines du christianisme romain. Mieux vaut se tourner vers les documents vraiment historiques et recueillir leur simple déposition.

Sur les relations possibles du souvenir de Simon avec le culte de Semo Sancus, voir Visconti, Studi e Documenti di Sloriae Diritto, ann. II, fasc. 3 et 41 p. io5 ; dbRossi, Bullettino di Archeologia cristiana, 188a, p. 107. 108 ; J. A. Hild, art. Semo Sancus, dans Dict. Ant. G. R., de Daremberg et Saglio, col. 1 18^ B ; enfin deux articles décisifs du R. P. F. Savio S. J., dans Civiltà Cattolica, 1910, vol. LXI, p. 53a5/|8 ; 673-688. L’erreur de Justin est certaine.

Sur les diverses formes de la légende de Simon, M. Lbcler, De liomano sancti Pétri episcopatu, p.174-216, Lovanii, 1888 ; L. Vouaux, ^c<es de Pierre ; cet auteur n’est pas porté à rajeunir le texte par lui édité ; volontiers il le ferait remonter aux toutes premières années du lit* siècle.

IL La tradition historique de l’Eglise romaine- — Il est naturel d’interroger d’abord le calendrier de l’Eglise romaine. Le Chronographe de l’an 354, fondé vraisemblablement sur les recherches faites entre 167 et168par le Palestinien Hkgbsippb, porte, sous le titre « Sépulture des martyrs », Depositio martyrum, la double mention suivante :

vin Kal. mart. Natale Pétri de cathedra. m Kal. iitl. Pétri in Catacumbas et Pauli Ostense, Tusco et Basso cons.

Donc, dès unedateancienne, l’Eglise romaine avait pris l’habitude de commémorer à la date du 22 février l'épiscopat symbolisé par la chaire de l’apôtre ; à la date du 39 juin, le martj’re de saint Pierre avec celui de saint Paul. Le deuxième texte est évidemment altéré : le consulat de Tuscus et de

Bas sus répond à l’année 258, temps de la persécution de Valérien. Celte date estpostérieured’environ deux siècles à la mort des deux apôtres. Mais ne rappellerait-elle pas la translation de leurs restes, abrites aux Catacombes durant la persécution ? Ils y seraient restés jusqu'à leur transfert définitif dans les basiliques constantiniennes, après la paix donnée à l’Eglise. Divers indices appuient cette conjecture ; nous y reviendrons ci-dessous D’ailleurs on verra qu’une tradition plus ancienne mettait le tombeau primitif de saint Pierre en relations avec le Vatican, celui de saint Paul avec la route d’Ostie. A travers des abréviations probables, on entrevoitune rédaction plus complète, que d’autres textes permettent de restituer partiellement. Le même calendrier porte, en tête de la liste des évêques de Rome :

Petrus… passas… cuin Paulo die III Kal. iulias… imperante Xerone.

Ces mots associent encore les deux apôtres dans le martyre, à la date du 29 juin, et rattachent ce martyre au principat de Néron. Omettons le contexte, qui renferme plus d’une énigme ; du moins les mots que nous avons relevés consacrent-ils une tradition spécialement ferme ; nous allons voir celle tradition confirmée par la convergence denombreuxindices. — [On trouvera les textes que nous avons cités dans Monumenta Germartiæ historica, lX, Chronica minora, éd. Th. Mommskn, p. 71. 73.]

La tradition historique de l’Eglise romaine, touchant l'épiscopat et le martyre de saint Pierre à Rome, est en réalité la tradition de toute l’Eglise, garantie par une masse imposante de témoignages.

Les documents cités dans l’article Papauté, col. 1375-138/(, établissentqu’au milieu du 111e siècle pour Cypribn île Carlhage et pour Firmiubn de Césarée en Cappadoce, pour Dknys d’Alexandrie et pour Fabius d’Antioche, en un mot pour toute l’Eglise, l'évêque de Rome était en possession du siège de Pierre, et comme tel investi d’une autorité unique. Cette conviction n'était pas nouvelle. Un demi-siècle plus tôt, à Carthage, Tkrtullikn rendait hommage à l’Eglise de Rome, glorieuse Eglise apostolique, qui a bu la doctrine de Pierre et de Paul avec leur sang De præscr. hæretic, xxxvi. xxxn. xxx ; cf. Scorp. y x ; De Pndicit., 1. xxi. Ci-dessus, col. 1375. Pour Alexandrie, nous citerons encore Oriqùnb et, avant lui, Clément.

Orioknb écrit, dans son Exposition sur la Genèse, P. G., XII, 92A(citéparEusÈBE, //. E., lll, i) : « Pierre parait avoir prèchédans le Pont, la Galatie, laBithynie, la Cappadoce, l’Asie, aux Juifs de la dispersion. Finalement, venu à Rome, il y fut crucifié la tête en bas, ayant demandé de souffrir ainsi. Que dire de Paul ? De Jérusalem à l’IIlyricum, il acheva la prédication de l’Evangile du Christ, puis fut martyrisé à Rome sous Néron. » — Comparer In loan., XX. xii, P. G., XIV, 600 B.

Cli’Mknt, dans ses II potyposes, cité par Euskbr, H. E., VI, xiv : « L'évangile selon Marc fut composé comme il suit. Pierre prêchait publiquement à Rome la parole (de Dieu) et annonçait l’Evangile sous l’action de l’Esprit. Ses auditeurs, qui étaient nombreux, prièrent Marc, qui l’avait accompagné depuis longtemps et avait retenu ses paroles, de mettre ses enseignements par écrit ; il le fit, et communiqua l'évangile à ceux qui le lui demandaient. Pierre, l’ayant appris, ne fit rien soit pour l’arrêter soit pour l’encourager. »

Touchant le martyre de saint Pierre et de saint Paul à Rome sous Néron, Eusèbe a recueilli des témoignages du deuxième siècle : celui du prêtre romain Caïus et celui deDBNYs, évêque deCorinthe. //. F.., II, xxv, 1 G., XX, 208C-209 B :