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PROPHÉTISME ISRAÉLITE

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Masi’bro, à propos de cette découverte de Lange, parlait avec confiance d’un livre égyptien de prophéties ; il espérait qu’on trouverait, dans le même genre, d’autres œuvres plus remarquables, dignes d’être mises en parallèle avec les grandes prophéties hébraïques (New Light on ancient Egypt, trad. par E. Lee, Londres, 1908, ch. xxxi, p. 228-a33). — J. H. Brrastbd, égyptologue américain de grand mérite, fait remonter à la XII’dynastie cette « prophétie » d’Ipouwer, et il ne manque pas de la signaler dans un manuel intitulé A Historr of the Ancient Egyptians, Londres, 1908, p. 168. Il existe, dit-il, d’autres spécimens de ce genre ; « la conclusion s’impose : c’est là que les Hébreux ont pris la forme, et même, dans une mesure étonnante, le contenude la prophétie messianique ». Sur le témoignage de Breasted, Ch. F. Kent insère le plus beau passage de la prophétie d’Ipouwer dans l’introduction de son commentaire des Prophètes (The Sermons, Epistles and Apocalypses of Isræl’s Prophets, Londres, 1910, p. 5).

Mais en 1909 l’égyptologue A. H. Gardinbr a soumis ce texte à une étudesérieuse, et n’y a rien trouvé de plus que la description d’une grande détresse, causée par des discordes civiles, et, semble-t-il, par une invasion, avec requête adressée au roi pour le prier de remédier à cet état de choses et d’offrir tout d’abord aux dieux des sacrifices. Le texte paraît dire ensuite que le dieu solaire Râ ne donne aucun secours et que le roi est responsable du malheur. — Au jugement de A. Wibdbmann, professeur d’égyptologie à l’Université de Bonn, il est maintenant démontré que « aucune partie de cette pièce ne présente un caractère prophétique, ni surtout messianique. .. Il faut donc renoncer aux conclusions à longue portée fondées sur la première interprétation de ce texte. t>(ArchWfiïrReligionswissenschaft,.. XIII, 19 10, p, 349-3ôi). Wiedemann remarque, à ce propos, que trois autres pièces données par H. Ranke parmi les textes égyptiens dans Altorientalische Texte und Bilder zum Alten Testamente (Tubingue, 1909) ne m ?ritentpas de figurer sous le titre de « Textes prophétiques » : la prédiction d’un agneau sous le roi Bocchoris, écrite au temps d’Auguste, et les prophéties d’un potier du temps d’Aménophis, dans un papyrus grec du m* siècle après Jésus-Christ, ne remontent peut-être pas à un original égyptien ; enfin, le texte incomplet et mutilé des

« prophéties d’un prêtre sous le roi Snéfrou » ne

prouve pas ce qu’on veut (ibid., p. 350, note 1).

L’article de ce dictionnaire, Babylonb ht la Biblr, n. vi. col. 373 sqq., signale quelques malheureux essais de rapprochement entre les devins de Babylone et les prophètes hébreux.

Il y a, d’ailleurs, beaucoup de confusion dans les jugements portos par les critiques rationalistes sur les origines du prophétisme Israélite. Cette institution, pensent-ils, a été empruntée à un peuple étranger, mais complètement transformée en Israël ; c’est comme une création nouvelle (Cornill, J. Rkvilli). Suivant Hkuss « le génie des antres nations, même des plus favorisées à cet égard, n’a rien produit qui puisse être comparé aux œuvres des prophètes hébreux » ; « la différence est radicale ». Tel antre commencera par dire que la prophétie se trouve chez toutes les nations de l’antiquité ; mais il notera plus loin, dans le prophétisme hébreu, trois caractéristiques capitales, qui en font un phénomène essentiellement différent : le Dieu qui parle ; les vérités qui sont proclamées ; l’état d’âme du prophète (F. C. Eistu.hn, Prophecy and the Prophetf, New York, 1909, p. 18, aa).

III. — Les prétendues « Ecoles de Prophètes »

Pour l’époque de Samuel (vers la fin du xi’siècle avant Jésus-Christ) et, un siècle et demi après, plusieurs récits bibliques mentionnent des groupements de prophètes, à Gabaa, aux environs de Rama, à Béthel et sur les bords du Jourdain. Samuel, après avoir donné l’onction royale à Saiil, lui dit : « En entrant dans la ville, tu rencontreras une bande de prophètes descendant du haut-lieu, précédée de joueurs de harpe.de tambourin, de flûte et de cithare, et en train de prophétiser. L’esprit de Iahvé fondra sur toi et tu prophétiseras avec eux, et tu seras changé en un autre homme » (I Sam., x, 5, 6). Tout se passa comme Samuel l’avait annoncé. Plus tard, en présence d’une « bande de prophètes » qui prophétisent, des émissaires de Saiil se mettent eux-mêmes à prophétiser : à deux nouvelles reprises, d’autres émissaires sont envoyés, et la même chose leur arrive ; Saiil se rend auprès d’eux ; il est également saisi de l’esprit prophétique. C’est, semble-Uii, un enthousiasme religieux dont la contagion est irrésistible (1 Sam., xix, ig a/|). — Vers le milieu di ix’siècle, dans le royaume du nord, nous voyons des prophètes groupés, au nombre d’une centaine, ou davantage, vivant en communauté, sous la direction dElie et d’Elisée (I (III) Reg„ xviii, ! , 13, sa ; xix, 10, i^ ; xx, 35 ; II (IV) Reg., 11, 3-7, 15-18 ; iv, 1-7, 38-44 ; v, 2 ? ; vi, 1-7 ; ix. i-io).

On voit tout de suite combien il était facile d’abuser de ces textes dans le sens de diverses thèses évolutionistes el naturalistes. D’abord, à la suite de David Kimo.hi (unn-ia35) et d’AnARBANKL (143^-1508>

— il semble que cette interprétation fausse soit due, comme tant d’autres, à des rabbins, — on a imaginé que ces « fils des prophètes » se préparaient par l’étude à instruire le peuple ou à remplir les fonctions prophétiques ; et l’on a désigné leurs associations sous le nom d’  « écoles de prophètes ». Les déistes anglais du xvm* siècle ont même dressé le programme des matières enseignées dans ces école ? : c’était l’histoire, la rhétorique, la poésie, les sciences naturelles et la philosophie. (Cf. Mangrxot,

« Ecoles de Prophètes » dans le Dictionnaire de la

Bible de Vigouroux). Rkitss dit encore : « Nous estimons que le nom d’écoles, qu’on a choisi pour les caractériser, ne leur est pas appliqué à tort » ; suivant lui, on y apprenait la musique, la lecture, l’écriture, la morale sociale et les principes du droit ; là « se conservaient les quelques connaissances médicales qu’on possùlait » [elles n’allaient pas loin, si l’on se rappelle la dangereuse initiative du fils de prophète qui faillit empoisonner ses compagnons :

« mors inolla », II (IV) Reg., iv, 39-/11).] « C’est dans

cette école, continue Reuss, que la croyance monothéiste s’affirmait, se propageait et se spiritualisait » (Les Prophètes, t. I, 1876, p. 10-11). J. Dahmhstrtrr écrivait aussi : « C’est dans l’école de prophètes qui se forma à son ombre [à l’ombre d’Elie|, que fut forgé, comme une barre de fer, le monothéisme d’Israël » (/. c, p. a8, 29). Pour Renan, ces écoles sont « des espèces de séminaires » (Ifislnire du peuple d’Israël, t. I. p. 379). — A Nayoth il y avait

« les « fils des prophètes » (I Sam., xix, 1 S- a 4). L’illustre

Ewald a échafaudé une démonstration sur l’étymologie, totalement inconnue, de ce nom ; il le rattache à un verbe arabe qui signilie <t se proposer quelquechose », « fixer son attention sur un point », d’où il infère le sens d’ « étudier » : Na th est donc

un « lieu d’étude », une « école » I (cité par S. R Drivbh, Notes on the Hébreu- Te.rt of the Bookê of Samuel, Oxford, 2’éd. ig13). Renan paraît adopter