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REFORME

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La séparation était chose accomplie avant que le courrier porteur de la nouvelle n’arrivât à Londres.

La Convocation de Gantorbéry avait déjà approuvé la sentence deCranmer annulant le mariage de Henri et de Catherine, ainsi que la loi abolissant tout appel à Rome. Trois grandes lois votées au début de 1534 par le Parlement consommèrent la siparalion. La première réglait la nomination des évêques : le roi présenterait un candidat au chapitre, qui avait douze jours pourapprouvercechoix ; passé ce délai, leroi nommerait directement. Le pape, officiellement nommé < l’évêque de Rome », n’avait aucune autorité d’aucune sorte sur le sol anglais, l’évêque nommé prêterait serment au roi seulement et se présenterait à l’archevêque de la province pour être sacré.

Une seconde loi abolissait le denier de Saint-Pierre et tous paiements faits à Rome. Toute la juridiction qui avait appartenu au Saint-Siège était transférée à l’archevêque deCantorbéry : les monastères relevant directement de Rome étaient placés désormais sous le contrôle direct et exclusif de la couronne. La troisième loi défendait aux évêques de faire ou de promulguer à l’avenir aucun canon sans l’assentimentroyal. Pratiquement, les évêques devaient demander au roi la permission d’exercer leurs fonctions.

4 8 Les premiers martyrs et la destruction dis monastères. — Un deB premiers soins du roi fut de lier ses sujets à sa destinée par un serment solennel. Cranmer faisait signer à tous lesecclésiastiques le serment de suprématie, qui était la négation formelle de l’autorité du pape, Cromwell imposait aux religieux un serment beaucoup plus explicite. Les ordres religieux cédèrent en masse, à part les franciscains de la stricte observance, les moines de l’abbaye angustine de Sion et ceux de Charterhouse, à Londres. Le serment de succession obligea tout Anglais et toute Anglaise, ayant atteint l’âge de raison, à reconnaître Elisabeth, fille d’Anne Boleyn, pour héritière du trône. Les « lois sur la trahison » complétèrent ces prescriptions et y ajoutèrent des sanctions terribles.

Etait déclaré coupable de haute trahison quiconque serait convaincu d’avoir « souhaité avec malice, voulu, désiré par paroles ou par écrits, imaginé par ruse ou inventé un dommage corporel quelconque sur la très royale personne du souverain, de la reine et de leurs héritiers apparents ; quiconque s’exercerait à ce dommage, essaierait de le causer, dépouillerait n’importe lequel d’entre eux de sa dignité ou titre, ou publierait ou proclamerait avec malice, par des paroles ou des écrits formels, que le roi est hérétique schismatique, etc. » Celte loi odieuse, qui sera appliquée surtout sous l’impulsion de Cromwell, nommé vicaire général en 1.535, inaugura la « Terreur anglaise ». Les martyrs furent condamnés sous l’inculpation légale de haute trahison, même quand ils n’avaient pas laissé échapper une parole contre le souverain.

Une servante deferme, Elisabeth Barton, fut exécutée en f 534 pour avoir parlé contre le divorce du roi Le 4 mai 1535, ce fut le tour de trois Chartreux, John Houghton, Robbrt Lawrence, et Augustin Vrbst.br, d’un Brigittin, Richard Rbynols, et d’un vieux curé, John Halk. Fisher, le plus grand évêque de son pays, More, qui en était le premier légiste, n’avaient accepté ni la séparation de Rome ni la validité du divorce. Traduits devant une commission spéciale, ils se défendirent avec une singulière noblesse et marchèrent à la mort avec un calme admirable. Le bienheureux Pisiibr, qui venait d’être

créé cardinal, fut décapité le 22 mai 1535, et le bienheureux More le 6 juillet.

Cette double exécution avait soulevé l’indignation de toute l’Europe. Paul III, qui avait succédé à Clément VII, et àqui les nobles victimes en avaient appelé, essaya vainement d’unir les princes de l’Europe contre le roi d’Angleterre. En 1 53^, le pape tenta un second effort, il chargea le cardinal Polb, cousin de Henri, d’une mission auprès de François l aT et de Charles-Quint. Il devait rechercher avec ces souverains les moyens de ramener l’Angleterre à l’unité catholique. L’attitude de Paul III avait ranimé le courage des catholiques anglais. La destruction de monastères dans les comtés de Lincoln et d’York provoqua une insurrection. Trente mille hommes, sous les ordres de R. Aske, avaient arboré une bannière décorée des cinq plaies, d’un calice et d’une hostie, et portaient sur la manche le nom de Jésus-Christ. C’est le « pèlerinage de grâce ». Les rebelles se laissèrent prendre aux promesses mensongères de Cromwell ; Norfolk exerça dans le Nord des représailles terribles. Henri (it mettre à mort la vieille mère et deux proches parents du Cardinal Polb, qui se réfugia dans les Pays-Bas.

Le « pèlerinage de grâce » fournit à Cromwell et à Henril’occasion d’achever la destruction des monastères. On en comptait environ 800, tant d’hommes que de femmes. Des visiteurs royaux se rendirent dans chaque maison ; deux d’entre eux, Legh et Layton, eurent un rôle particulièrement odieux. Ils se défendaient de vouloir confisquer les biens des monastères, mais s’efforçaient d’amener les abbés à abandonner leur maison au roi, soit en leur offrant de fortes sommes, soit en multipliant les menaces. Ils ne réussirent en général que trop bien.

Les abbés des trois grands monastères de Reading, Glastonbury et Colchester repoussèrent toutes les offres et dédaignèrent les menaces. Le roi les fit condamner et exécuter pour crime de haute trahison. Neuf autres supérieurs subirent le même sort, pour la même raison.

Le dernier monastère, JWaltham Abbey, fut remis au roi le 23 mars 1540. Une rente annuelle de 200.000 livres fut, par cette gigantesque destruction, enlevée aux 8081 religieux et religieuses de tout ordre et aux 80.000 personnes, infirmes, pauvres ou domestiques, qui vivaient avec eux.

Le roi ne retira de cette immense confiscation qu’un revenu annuel de 37.000 livres, auquel il faut ajouter le produit des ventes. Les commissaires vendaient tout : les terres, les bâtiments, les églises, qui devinrent souvent des granges, tout le mobilier du culte, toutes les richesses des bibliothèques. Le reste alla aux courtisans ; les grands seigneurs et la noblesse nouvelle se précipitèrent à la curée. Quelques-uns, le chancelier Audley, lord Clinton, Northumberland, Suffolk, Norfolk, Cromwell et plusieurs visiteurs firent un butin énorme. La situation des classes populaires s’aggrava du fait de cet immense transfert de propriétés. Le paupérisme, une des plaies les plus hideuses de l’Angleterre contemporaine, date de la destruction des monastères.

5° Le dogme, la discipline et le culte sous le gouvernement de Henri VIII. — Pendant les onze dernières années de son règne, Henri VIII, en maintenant à peu près intact l’ensemble de la doctrine catholique, régla le dogme, la discipline et le culte de son Eglise sur les variations de la politique européenne. Quand le pape semblait sur le point de coaliser leroi de France et l’empereur contre l’Angleterre, au nom de l’unité religieuse considérée comme la base nécessaire de la paix, Henri se montrait très catholique dans ses formulaires de foi, pourchassait impitoya-