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POSSESSION DIABOLIQUE

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t Vous pouvez comprendre ce que je dis, par les faits mêmes qui se produisent devant vos yeux. En effet, un grand nombre d’hommes, saisis par le démon, dans le monde entier et ici dans votre ville même, que d’autres adjurateurs et enchanteurs ou sorciers n’ont pu guérir, beaucoup des nôtres, je veux dire des chrétiens, les ont adjurés par le nom de Jésus-Christ, crucifié sous Ponce-Pilate, et les ont guéris, et les guérissent encore maintenant, désarmant et chassant les démons qui les possèdent. »

Il ne s’agit pas d’un fait isolé, mais de faits nombreux souvent répétés, et pour ainsi dire quotidiens. C’est ce que montrent les Pères déjà cités. Pour ne pas multiplier les textes, il suffira d’ajouter Tbrtullibn, ne craignant pas de dire aux païens, que les chrétiens, s’ils voulaient se venger, n’auraient qu'à cesser de chasser les démons, et qu'à leur laisser le champ libre pour tourmenter les ennemis du nom chrétien. Ce langage est probablement hyperbolique ; mais si les possessions et autres manifestations des démons n’avaient pas été fort fréquentes, l’apologiste, en parlant ainsi, se serait évidemment exposé à la risée des gentils.

De plus, s’il y avait eu illusion chez les saints Pères, et si la réalité de la possession ou de toute autre intervention diabolique avait pu souffrir un doute, comment expliquer leur confiance à en appeler au pouvoir du nom de Jésus-Christ sur le démon, vis-à-vis des païens, parmi lesquels se trouvaient précisément les possédés ? Dira-t-on qu’il y eut constamment collusion entre les païens possédés et les chrétiens, pour favoriser les progrès du christianisme ? Dira-t-on que les païens, eux aussi, aussi bien les possédés que les autres, prenaient pour un démon la maladie naturelle dont ils souffraient, alors que le nom de Jésus et le signe de la croix, qu’ils avaient l’un et l’autre en horreur, font écumer de rage le possédé, ou plutôt le démon, lui font dire qui il est, qu’il est tourmenté et qu’il devra abandonner sa proie ; alors qu’une seule parole, un signe suffit à délivrer des malheureux, depuis longtemps vexés de toutes manières ? Objectera- t-on la confiance du païen, sa commotion morale ? Comment expliquer encore qu’un grand nombre d’inûdèles se convertissent au christianisme, à la vue du pouvoir qu’exerçaient les chrétiens sur le démon ?

Or, les Pères ont une confiance illimitée dans l’argument qu’ils tirent du pouvoir des fidèles de délivrer les possédés par le seul nom de Jésus-Christ ; et d’autre part, les païens se sont convertis en grand nombre à la vue de ces prodiges. Pour voir avec quelle hardiesse les saints Pères provoquent les païens sur ce point, qu’on lise saint Cyphibn, Ad Demetrianum, xv ; saint Athanasb, Minucius Félix, //. cit. ; saint Cyrille de Jkrosalbm, Catech., iv, 13 ; saintCHRsosTOMB, /.c17. ; saintJBRôMB.^rfi'. Vigiles. ; saint Ambroisb, Ep., xxii, 16. Nous ne voulons rapporter que les paroles de Tbrtullien, qui font ressortir en même temps, la force probante de l’argument. Voici comment il s’adresse aux magistrats de l’empire, Ap., xxiii sqq. : « Que l’on amène ici, devant tos tribunaux, quelqu’un que l’on ait constaté être possédé du démon. Sur l’ordre de parler, donné par n’importe quel chrétien, cet esprit s’avouera être en réalité un démon, aussi bien qu’ailleurs il se vante faussement d'être Dieu. Que l’on amène de même quelqu’un que l’on prétend être sous l’influence divine… et s’il ne s’avoue pas être un démon, n’osant mentir à un chrétien, eh bien I versez le sang de ce chrétien imposteur. Quoi de plus manifeste ? Quoi de plus sûr que cette épreuve ?… Quant à attribuer pareilles choses à la magie et à la supercherie, vous le ferez, si vos yeux et vos oreilles le permettent. »

Ensuite il démontre, comme conséquence, le néant des dieux païens : « Ces démons, ajoute-t-il, sont vos divinités, et ils avouent n'être pas des dieux ; par là il vous est facile de connaître qui est le vrai Dieu ; s’il est unique et si c’est le Dieu des chrétiens. Car tout notre pouvoir sur les démons, qui sont vos divinités, nous vient du Christ ; c’est Jésus-Christ qu’ils craignent en Dieu, et Dieu en Jésus-Christ, et voilà comment ils sont soumis aux serviteurs de Dieu et du Christ. C’est ainsi qu’ils sortent des corps sur notre commandement malgré eux, se plaignant, et rougissant en votre présence. » « Croyez-les, dit-il encore, quand ils disent vrai d’eux-mêmes, vous qui croyez à leurs mensonges. Personne ne ment pour sa honte, mais pour son honneur.Ils méritent créance quand ils font un aveu contre eux-mêmes, plutôt que quand ils nient en leur propre faveur. »

C’est encore Tertullien qui atteste les conversions ainsi opérées, en quelque sorte, par le démon luimême : « Tesiimonia deorum vestrorum ckristianos facere consueverunt. « Ajoutons ici saintlrénée, dont Eusèbb rapporte les paroles dans son Histoire Ecclésiastique (Y, vu) : « Alii (discipuli Christi) dæmones excluaunt firmissime et vere ut etiam sæpissimecredant ipsi qui emundali sunta nequissimis spiritibus et sint in Ecclesia. » Lactance donne comme une des causes des progrès du christianisme, celle-ci (Div. lnstt., V, xxiii, lin) : « Ne hæc quidem levis causa est, quod irnmundi dæmonum spiritus accepta licentiamultorumse corporibus immergunt quibus postea ejectis, omnes qui resanati fuerint adhæreant religioni, cujus potentiam senserunt. »

L’on pourrait nous demander enfin un fait décrit par les Pères, un détail précis qui détermine davantage le caractère réel de la possession, un signe incontestabled’une intervention préternaturelle.Pour ne pas parler des confessions du démon, faites par la bouche des païens possédés, et dont ceux-ci étaient incapables, ainsi que de plusieurs autres signes, que nous pourrions relever dans les écrits des Pères, déjà cités, nous pouvons mentionner ici saint Paulin, qui, dans la vie de saint Félix de Noie, atteste avoir vu un possédé marcher contre la voûte d’une église, la tête en bas, sans que ses habits fussent dérangés ; il ajoute que cet homme fut guéri au tombeau de saint Félix.

€ J’ai vii, dit Sulpice Sévèrb (Z.c), un possédé élevé en l’air, les bras étendus, à l’approche des reliques de saint Martin. »

Résumons. Nous avons produit des témoins nombreux, de plusieurs siècles, de toute nation et de tout pays, de l’Asie Mineure, de la Palestine, de l’Egypte, de l’Afrique septentrionale, des Gaules, de l’Italie, etc. De plus, ce ne sont pas des témoins quelconques, mais des hommes les plus distingués de leur époque et de leur pays, par la science, le caractère, la probité, etparconséquent, d’une autorité exceptionnelle. Et que sont-ils venus nous témoigner ? Un fait qu’ils ont constaté eux-mêmes, un fait public et souvent répété. Et comment nous l’afflrment-ils ? Avec une assurance qui déroute tout soupçon de fraude ou d’erreur. Devant qui donnent-ils ce témoignage ? Devant leurs ennemis acharnés, qui étaient souverainement intéressés à contrôler la vérité des faits, à relever l’erreur ouïe mensonge, à signaler jusqu’au moindre doute, s’il y avait eu lieu. Et enfin quel fut l’effet, le succès de leur témoignage public et solennel ? Ce fut l’effet ordinaire de la révélation de la vérité : ils fermèrent la bouche aux païens, et couvrirent de honte leurs persécuteurs ; ils furent victorieux des ennemis de la lumière, et la multitude des croyants s’accrut d’une manière étonnante.

Toutes ces considérations faites, est-il possible,