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RELIGION : THÉORIES PSYCHOLOGIQUES

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déchéance Cf. Lalanub. La dissolution opposée à l’évolution, Paris, Alcan, p. 254-270.

C est donc l’application non d’une loi, mais d’une hypothèse, combien large, combien hasardeuse, et combien discutée, qui fait débuter une philosophie de la religion par l’étude du sauvage, ou du non civilisé. Celui-ci est tenu pour le point de départ du développement, et les témoignages accumulés montreront de plus en plus en ce prétendu sauvage une complication déjà grande de vie psychologique, de vie morale, de vie religieuse. Sauvage = l’être le plus inférieur, à tous points de vue : application de l’évolution, que l’observation dément chaque jour davantage. Sauvage = primitif ; ici encore, pure hypothèse, formulée par la logique du système et delà loi évolutionniste du développement religieux. Sur la déformation des faits par les thèses évolutionnistes, Cf. Christus, c. I, p. 38, c. 11, p. 51.

c) I.r postulat déterministe. — Les faits historiques et les faits du développement religieux son lie résultat de l’activité humaine. Mais l’homme est un être libre : il ne sera donc pas déterminé dans son action, dans son développement. Influence du milieu, de la race, n’est pas déterminisme. — L’activité d’une même natuie tend à devenir uniforme, les mêmes êtres, avec les mêmes natures, sont portes à agir semblablement. Iei encore tendance, non nécessairement uniformité. — De plus, les liaisonsdes faits humains, sociaux, religieux, laissent toujours place à une intervention d’une Toute-puissance, de la Puissance divine, rompant cette continuité historique, par une action transcendante et un effort transcendant. Sur l’application de cette doctrine a priori, cf. 1rs déclaration

  • , au moins étranges pour un positif et un

critique, de Salomon Reinach, Cuit. Myth. et Bel., I, sur les « principes » qui l’ont guidé dans son travail et sur « les conséquences qu’on en peut logiquement déduire ».

IL Critique de l’explication. — Toute l’explication de l’école anthropologique, par l’apparition nécessaire des idées d’àme, d’esprit, de dieu, du Dieu suprême, est suspendue à un fait primitif et universel : la tendance animiste.

1) La mentalité du primitif n’implique pas l’aninisme universel. — La psychologie réelle du noncivilisé, dit primitif, ne répond pas à cette psychologie idéale, formée pour vérifier la loi évolutionniste, suivant laquelle le primitif doit-être le plus inférieur, au point de vue intellectuel, moral, religieux.

i") Sans doute il y a chez le sauvage une prédominance d’imagination ; puisqu’il est unefaçon de grand enfant, on remarque chez lui les traits caraclérisques de la mentalité enfantine : vivacité des images, prédominance des représentations concrètes sur les conceptions abstraites, puissance de l’imagination créatrice, s’exerçant sur les contes ou les mythologies, intensité de l’état émotionnel, aptitude à se contenter d’explications insufli santés, promptitude à passer de l’image ou de la pensée à l’action, impulsivité très grande, variations dans la manifestation du caractère : chez le sauvage, comme chez l’enfant, il y a prédominance de l’être sensible sur l’être rationnel, encore insuffisamment développé.

2°) Cette prédominance d’imagination et d’impulsivité n’empêche nullement la réalité d’undéveloppement rationnel. De ce primitif, on fait un être à peu près au niveau de l’animal, et parfois au-dessous de lui : dans un tableau tout fantaisiste, on le peint comme ne sachant pas distinguer le vivant de l’inanimé, ni la différence des règnes, vivant <r dans une sorte de songerie vague, qui n’est ni le sommeil, ni

le lève, hors d’étal de distinguer entre sa vie d’homme éveillé et d’homme endormi et de séparer par une infranchissable barrière ses perceptions réelles, des fantômes de ses songes, en proie à des émotions puissantes et vagues, unies par un lien fort libre à des images confuses et instables », dans une sorte d’hallucination habituelle. Cf. L. Maiui i.ir.n, Gr. Encrcl., art. cité, col. 346-48, après Tylor, Prim. Cuit. et ses disciples. Ce non-civilisé est ramené ainsi à un demi idiot, à une sorte de brute, ou à un halluciné.

Contre des conceptions aussi fausses, les observateurs réels protestent au nom de l’observation et de la critique scientifique. « Chacun s’évertue… à se composer un type de sauvage religieux ou de religieux sauvage, dont la première qualité est bien de répondre à Sfs propres conceptions. » Cf. I.kRoy, la tel. des Primitifs, p. 30.Et parmi les catholiques, certains acceptent trop docilement l’authenticité des faits apportés par l’école anthropologique et l’interprétation qui en a été donnée par eux. Ainsi, abbé Bros, La rcligiondespeuplesnon civilisés, Lethielleux, 1908, sensiblement atténué et corrigé par la suite, Sem, Etb. relig., 1913., Rev. du Cl. 1914, etc., Où en est l’histoire des religions, 191 1, c. I.

Le primitif — tel que l’a vu Mgr Le Roy, en vingtannées d’apostolat auprès des pleuples les plus déshérités d’Afrique, les Pygmées, les Bantous, les Négrilles, — « dans sa vie végétative intense, ses instincts animaux, sonintellectualisme épais, est cependant et avant tout un homme, avec toutes les passions, toutes les aspiiations, toutes les énergies, toutes les faiblesses…, et, somme toute, rien ne ressemble tant à son âme que notre âme », bien que ce soit surtout un homme enfant ». Op. cit., p. 69.

En particulier, il y a chez lui un réel développement intellectuel. Le primitif manifeste une grande curiosité ; de là, le besoin d’explication, sa crédulité facile devant les légendes et mythes ; il y a chez luixune aube d’activité rationnelle », ilapplique les principes d’identité, de causalité, aux faits de la nature dont il cherche l’auteur, aux phénomènes étranges dont il essaie une interprétation, si enfantine soit-elle ; il dépasse les images.il les élabore ; il commence un travail philosophique, et qui atteint d’une façon surprenante jusqu’aux sommets de la métaphysique. Cf. Piat, liev. prat. apol. « L’intelligence du sauvage », p. 323-336. « A qui est Ja terre ? » répond, étonné, un chef de tribu à Mgr Lb Roy. « A qui est l’air, à qui est l’eau, à qui est la lumière ? C’c-t à celui-là seul que la terre appartient ». Op, , cil. p. 86. La curiosité du sauvage est donc un commencement de la science et de la philosophie. Dans sa vie pratique, il applique constamment les principes de causalité, à la chasse, pour sa nourriture, pour le feu ; bien plus, il est un inventeur, un inventeur d’outils — ce qui, suivant Bergson, serait la plus grande preuve d’intelligence, et sa fonction essentielle. Cf. Bergson. L’évolution créatrice, Paris, 1906.

« Ne creusons donc pas trop l’abîme qui nous sépare

de ces frères misérables », dira justement Bros. Où en est l histoire des religions, c. 1, p. 69.

3") L’animisme du sauvage est une preuve de ce travail rationnel. Non pas que le non-civilisé confonde le vivant et le non-vivant ; la pierre et l’animal. .. Mais derrière la pierre, ou la plante, i ! cherche un être qui en explique les propriétés, les vertus, l’action. « Quand le primitif pense qu’il y a dans les choses des vertus cachées, il a raison et il fait de la science. Mais il se trompe souvent… dans l’appréciation de ces vertus. » Lk Roy, op. cit., p. 90. Spencer nie cette confusion de l’animé et de l’inanimé par le primitif. Cf. Princ. de soc, I. ex. Que fait l’ani-