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RENAISSANCE


le Grand prend à son service, comme historiographes, Georges de Trébizonde, Chrysoloras, Laurent Valla, Barthélémy Faccio et Antoine Panormita. A Urbin, le duc Frédéric, l'élève de Vittorino de l’eltre, homme de science universelle, rassemble les éléments d’une magnifique bibliothèque dont s’enrichira plus tard le Vatican. A Milan, lesSforza, à Ferrare, les princes Borso et Alphonse, à Rimini, le condottiere Sigismond Malalesta, et jusque dans les plus petites villes de Romagne, des despotes intimes, à l’imitation de leurs puissants voisins, célèbrent à l’envi, par la recherche approfondie de ses moindres monuments, la gloire retrouvée de l’antiquité.

Mais c’est à Rome, tout naturellement, que s'échauffait de la plus vive ardeur, 1e foyer de l’humanisme. « Au début du iv siècle, en dépit des diili « cultes au sein desquelles il se débattait, le pape ii Innocent VII avait manifesté la volonté de restau « rer l’Université fondée à Rome par Boniface VIII,

« et, dans une bulle publiée à cet effet, il prévoyait
« la création d’enseignements nouveaux, tels que

ci ceux de la littérature grecque et latine. Le style

« même de cette bulle, d’une belle latinité classi « que, toute pleine d’un sentiment de vénération
« profonde pour la Rome antique, décèle la plume

> d’un humaniste. Et, en effet, des humanistes de

« marque se trouvaient alors parmi les secrétaires

a apostoliques. Pogge, dont le nom est si intime « ment lié à la première renaissance des lettres,

« était entré à la chancellerie pontificale sous Boni « face IX, et Innocent VII lui-même venait d’y appe « 1er le célèbre Lionardo Bruni d’Arezzo. On sait
« quelle action le concile de Constance exerça sur
« le développement de l’humanisme. Il fut l’occat sion daa plus retentissantes « découvertes » littéc raires de Pogge, et, tandis qu’on transmettait en
« Italie les classiques latins retrouvés dans les bi€ bliothèques ultramontaines, les Pères du concile
« recevaient en échange de l’Italie lettrée la pre

< nière étincelle d’un feu qui allait se propager à

« travers l’Europe… C’est Nicolas V qui est le véri « table fondateur de la Bibliothèque Vaticane… Il
« était le représentant parfait de cette libre Acadé

< mie florentine de San Spirito, dont les échos

« avaient éveillé le palais tout voisin qui abritait
« Eugène IV. Depuis sa jeunesse, écrivait de lui le
« futur Pie II, il est initié à tous les arts libé « raux, il connaît tous les philosophes, les histo riens, les poètes, les cosmographes et les théolo « giens ; le droit civil et le droit canon, la médecine
« elle-même ne sont pas pour lui des sciences
« étrangères… Nicolas V se préoccupa de donner à
« Rome la maîtrise des esprits, d’en faire le ceutre

ii du mouvement intellectuel de la chrétienté. N'én tait-ce pas le meilleur moyen d’empêcher que ce

« mouvement ne s'égarât ? Les humanistes les

> plus célèbres furent sollicités de venir à Rome, i et remplirent tous les emplois de la curie… Tout ce que Florence comptait de lettrés en

« renom avait émigré à Rome » (Paul Fabhe, La

bibliothèque Vati cane, dans Le Vatican, éd. in-i a, t. H, p. îgy etsuiv.).

Sixte IV continue Nicolas V ; il installe avec magnificence, en la décorant de fresques, de vitraux, de boiseries sculptées, la nouvelle Bibliothèque Vaticane (dans les salles qu’occupe aujourd’hui la Pinacothèque) ; il nomme son bibliothécaire le grand humaniste Platina, et lui donne pour gardiens DémétriuR de Lueques et Jean Cbadel de Lyon ; il fait traduire quantité d’ouvrages grecs, hébreux et arabes ; à sa mort, en i^8'i, il y avait, dans les précieuses armoires, près de quatre mille manuscrits ; et déjà

les imprimés abondaient vingt ans plus tôt, en 4&>i les typographes allemands Conrad Sweinbeim et Arnold Pannartz, attirés à Rome par le cardinal Nicolas de Cuse, sous le pontifical de Paul II, et logés au couvent de Subiaco, avaient publié la Grammaire de Donat, les Institutions de Lactance et le De Orature de Cicéron. « L’extension

« que prit à Rome l’imprimerie à ses débuts fut
« véritablement merveilleuse. On reste confondu,
« quand on parcourt la liste des éditions romaines
« sous Paul II et Sixte IV, de la rapidité avec la « quelle les livres se succèdent : antiquité profane,
« antiquité chrétienne, ouvrages d’auteurs contem « porains, tout cela défile chez Sweinheim et Pan « nartz, chez Ulrich Hahn, chez Philippe de Ligna « mine, chez Georges Laver, chez Georges Sachsel,
« le plus souvent avec dédicace au pape en qui on
« sait un protecteur. On voit, pour ne citer que

i quelques exemples, Ïite-Live, Virgile, Aulu-Gelle, a César, Térence, Quintilien imprimés pour la o première fois, et avec eux saint Cyprien, saint

« Ambroise, saint Thomas, Guillaume Durand,
« Nicolas de Lyra, Jean Torquemada, Sanchez d’A « revalo. Les érudits abondent à la cour pontifi « cale, qui peuvent utilement remplir les fonctions

a de correcteurs : Jean-Antoine Carupano, Pom « ponio Leto, Domizio Calderini et d’autres en « core. C’est un moment unique dans l’histoire, u un moment glorieux pour le Saint-Siège, qri

« exerce sur les esprits une incomparable r |mai « trise » (Paul Fabrk, I. c, p. 216-7.)

V. La Papauté et les arts. — tandis que, sous le patronage intelligent des Médicis, Florence s’enrichit de chefs-d'œuvre, qu’une peinture nouvelle s’inaugure avec Ghirlandajo, Botticelli, Léonard de Vinci, Raphaël, une sculpture nouvelle avec Donatello, Verrocchio, les Pollajuoli, Michel-Ange, une architecture nouvelle avec Brunelleschi, la grande Rome, dont la résurrection a commencé avec le xve siècle, reçoit de ses papes un vêtement d’art digne des anciens temps. Martin V et Eugène IV avaient restauré le Latran, Nicolas V n’eut pas un règne assez long pour donner au Vatican et à la basilique de Saint-Pierre la splendeur qu’il rêvait ; mais il fit décorer ses appartements Je peintures que devaient remplacer les fresques de Raphaël ; surtout il y appela, pour orner sa chapelle privée de compositions qui subsistent encore, le saint moine de Fiesole, Fra Angelico.Devantles scènes d’une tendresse et d’une piété si absolument parfaites où sont retracées la vie, la prédication et la mort des saints Etienne et Laurent, on oublie les complaisances trop volontiers païennes des grands artistes de la Renaissance, et les complicités de leurs protecteurs, pour ne se souvenir que d’une chose, c’est que l’art chrétien est arrivé à ce sommet heureux où la beauté véritable est accompagnée par la foi, où la prière même a trouvé par les lignes et les couleurs une nouvelle expression. C’est là d’ailleurs qu’en un moment unique le sentiment du Moyen Age se traduit pour la première et dernière fois par le langage de la Renaissance ; l’antiquité va reprendre ses droits et assurer sa domination dans l'œuvre de Raphaël.

L’humaniste Pie II, le collectionneur Paul II fondent le culte de la Rome antique ; Sixte IV, en même temps qu’il entreprend l'édilication de la Rome moderne, inaugure le premier musée public de Rome, celui du Capitole ; il restaure et consolide la basilique de Saint-Pierre ; il fait construire, au palais Vatican, la chapelle Sixtine, et en ordonne le premier déeor, ces belles fresques, dues à Botticelli, Ghirlandajo, Pérugin, Signorelli, Cosimo Rosselli