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SCOLAIRE (QUESTION)

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appartenaient à des Congrégations religieuses autorisées, d’hommes ou de femmes.

Kniin, la loi de 1904, chef-d’œuvre de la dictature combisle, consomme l’hécatombe. Tous les membres de toutes les Congrégations religieuses, même autorisées, étaient déclarés déchus du droit d’enseigner. Toutes les autorisations précédemment en vigueur, touchant à l’enseignement, étaient abolies sans aucune exception. Aucune autorisation ne pourrait plus être accordée, pour l’enseignement, ni à une Congrégation ni à un établissement congréganiste quelconque. Tous les établissements congréganistes déjà autorisés disparaîtraient par fournées, à la clôture de chaque année scolaire, entre l’année 1904 et l’année ig14- Désormais, le droit d’enseigner était supprimé en France pour tout congréganiste, homme ou femme, et pour tout ordre d’enseignement, quel qu’il fût. Rien de plus péremptoire que le dispositif de la loi de 1904, perfectionnant la loi de 1901.

La légalité actuellement inscrite dans les textes, la voilà dans toute son horreur. Telle est l’une des lois fameuses que l’on proclame intangibles, et auxquelles certains parlementaires catholiques crurent naguère tolérable d’accorder une adhésion résignée, peut-être même un bill d’indemnité !

5° Les prétextes invoqués en faveur de pareil ostracisme.

L’exécuteur brutal, impatient et maladroit fut le radical-socialiste Emile Combes, responsable de la loi de 1904, responsable des refus en bloc d’autorisation et des retraits en bloc d’autorisation, accomplis surtout en igo3.

Mais l’auteur principal de l’œuvre de proscription reste le grand modéré Waldeck-Rousseau, celui qui a conçu et construit la terrible machine de guerre, la loi de 1901 et son article 14, dont Emile Combes a usé, abusé, puis dont il a élargi et universalisé les applications. Non seulement Waldeck-Rousseau est responsable du principe jacobin que l’article 14 de la loi de 1901 a introduit dans notre législation, mais il est responsable de tous les sophismes artificieux qui servirent à faire voter cette loi ; et qui, par leur signification évidente, exigeaient, non pas la proscription de quelques Congrégations et de quelques congréganistes, parce que non autorisés, mais la proscription de toutes les Congrégations et de tous les congréganistes, parce que Congrégations et parce que congréganistes.

Exemples :

Le congréganiste aliène des droits qui ne sont pas dans le commerce ; c’est-à-dire : les vœux de religion imposent le renoncement à des droits auxquels il est illicite et immoral de renoncer.

Le développement des Congrégations, c’est la révolte de la chapelle contre la paroisse, c’est la voie ouverte aux moines ligueurs et aux moines d’affaires.

Les congréganistes vont, par la mainmorte, submerger la fortune publiqie et privée. Qu’on arrête le fléau en donnant pour première dotation à la caisse des retraites ouvrières le milliard des Congrégations. Mot homicide, qui colporta la légende d’une richesse fantastique des Congrégations. Argument de basse démagogie pour exciter la convoitise populaire. Et celui qui parle ainsi est un grand défenseur de la propriété bourgeoise, un commensal privilégié de tous les riches parvenus, de tous les opulents profiteurs du régime !

Enfin et surtout : l’enseignement congréganiste, dressé devant l’enseignement laïque, arme l’une contre l’autre deux jeunesses, l’une initiée par

l’Université à toutes les mâles énergies du devoir civique, et l’autre rendue essentiellement impropre, par l’influence congréganiste, à chacune des tâches du labeur national.

Si de tels arguments, et, en particulier, celui des deux jeunesses, valent quelque chose, ils prouvent que l’on doit proscrire en bloc non pas les seules Congrégations non autorisées, mais tous les congréganistes et toutes les Congrégations… et même tout le clergé séculier… et même tout enseignement libre et catholique…

Quant à une discusion sérieuse sur les sophismes de Waldeek-Rousseau, il est vraiment superflu d’en instituer une ; car de telles choses ne peuvent être produites ailleurs que dans une assemblée parlementaire ou une réunion électorale.

La question demeure celle-ci. Un Français (ou une Française), justifiant des conditions de capacité et de moralité prescrites par le droit commun, doit-il (ou doit-elle) se voir refuser la faculté d’enseigner pour la seule raison qu’il (ou elle) appartient à une Congrégation religieuse ?

Si la réponse est affirmative, il n’y a plus de liberté de l’enseignement. Qu’on ait alors le courage de proclamer ce qui existe par le fait même, et que l’on prétend bien ne vouloir établir à aucun prix : le monopole, ou plutôt l’arbitraire suprême de l’Etat en matière d’enseignement. Arbitraire suprême qui consiste à pouvoir exclure du droit d’enseigner toute catégorie de Français ou de Françaises contre qui les représentants de l’Etat auraient à invoquer des griefs autres que l’incapacité ou l’immoralité. Quels seront ces autres griefs ? Au moment où la force appartient aux ennemis de l’Eglise et des Congrégations, l’on trouvera des sophismes pour exclure les congréganistes (aliénation de droits inaliénables, la mainmorte, les deux jeunesses). Quand la force appartiendra aux représentants d’une autre tendance, il existera des motifs beaucoup plus plausibles encore de refuser le droit d’enseigner à d’autres catégories de Français et de Françaises, pour d’antres raisons philosophiques, sociales et politiques. Et voilà le droit d’enseigner accordé ou refusé à diverses catégories de personnes, d’après leur conformité ou leur non-conformité de tendances et d’intérêts avec la majorité régnante.

Nous sommes alors en présence de l’arbitraire suprême de l’Etat.

C’est exactement le contraire de la liberté de l’enseignement.

Si la liberté de l’enseignement est unanimement admise comme formule de droit public et de paix sociale dans notre société divisée de croyances, les conditions de capacité et de moralité sont les seules exigibles, et doivent être réclamées de tous. Mais, en dehors d’elles, on ne peut pas faire de catégories parmi les bénéficiaires de la liberté.

Les arguments de Waldeck-Rousseau à l’encontre ne sont pas seulement calomnieux et fallacieux ; ils sont absolument irrecevables, au non de la conception de droit public sur laquelle repose l’Etat moderne, et dont Waldeck-Rousseau professait plus que personne d’être le théoricien et le serviteur.

6"° La situation présente et les solutions qu’elle comporte.

La guerre et l’après-guerre ont eu pour résultat certain de faire suspendre l’application des lois de 1901 et de Kjo4 contre les Congrégations et contre le droit des congréganistes à enseigner.

Les textes de 1901 et de 1904 demeurent intacts.

En pratique et en fait, leur non-exécution est notoire et avouée.