Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/667

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1321

SIBYLLES

1322

Sau, ua<n’u » àxou « tiu.TUJ, attribué à Aristote, reconnaît que la Sibylle, tout en étant une seule personne, reçoit différents nom*. Dans la deuxième moitié du ive siècle, Héraclide de Pont mentionne pour la première fois plusieurs Sibylles. Il n’est d’ailleurs pas impossible que même les écrivains antérieurs, en parlant d’une Sibylle unique, aient eu en vue le type général de ces sortes de prophétesses, dont ils n’excluaient pas pour cela la multiplicité. Quoi qu’il en soit, le nombre des Sibylles alla en augmentant ; beaucoup de villes se disputaient l’honneur d’avoir donné le jour à une de ces prophétesses ; amies des déplacements, les Sibylles voyagent d’ailleurs beaucoup et parcourent le monde en tous sens ; dans certaines villes, on montre avec orgueil aux touristes et aux pèlerins la grotte qui leur a servi d’habitation passagère ; chaque prophétesse a maintenant aussi son nom propre. Cette multiplication des Sibylles, en même temps qu’elle prouve l’extension de leur renommée et l’autorité grandissante de leurs révélations, était une des conséquences de la diffusion de la race grecque qui avait fondé une si grande quantité d'établissements coloniaux ; les oracles sibyllins accompagnent les émigrants dans leurs résidences nouvelles ; plus d’une plage offrait d’ailleurs une de ces grottes recherchées par les prophétesses itinérantes ; bien des pays étaient le théâtre de phénomènes volcaniques merveilleusement propres à inspirer cette voix lugubre, qui n'éclate que pour terrifier les âmes par l’annonce du courroux divin.

En dépit de ces dédoublements répétés, les esprits s’habituèrent à admettre l’existence d’une Sibylle primitive unique, qui aurait vécu dès une antiquité Lointaine et dont le regard aurait embrassé toute la suite des âges ; à maintes reprises sa voix s'était fait entendre pour découvrir leurs destinées auxmortels.

Nombre des Sibylles- — A l'époque hellénistique, quand les Grecs s’adonnèrent avec tant de passion à l'étude de leurs antiquités, on fit des recherches sur l’origine des nombreuses Sibylles enfantées par les ambitions rivales des peuples, et on s’occupa d’en dresser la liste, tout comme on avait fixé à Alexandrie le canon des écrivains classiques, ayant illustré les principaux genres littéraires. Le nombre des Sibylles définivement admises varie beaucoup suivant les auteurs et les époques.

La liste de Varron, conservée par Laclance, contient dix Sybilles, énumérées dans l’ordre suivant : Sibylle de Perse, de Libye, de Delphes, des Cimmériens, d’Erythrée, de Samos, de dîmes, de l’Hellespont, de Phrygie, deTibur. L’auteur prétend composer sa liste en observant l’ordre chronologique de l’apparition des prophétesses.

L’auteur du Prologue de notre recueil des Oracles Sibyllins adopte cette liste sans changement.

Le » noms des dix Sibylles sont également rapportés par la Théosophie de Tubingue et par les Anecdota Parisiana de Cramer.

Dans le Prologue de la Sibylle de Tibur, il est dit qu’il a existé dix prophétesses, « d’après ce que rapportent les auteurs les plus savants ».

Le Chronicon Paschale cite douze Sibylles, parce que aux dix anciennement connues il ajoute la Sibylle hébraïque et celle de Rhodes.

Chez d’autres écrivains, on constate une tendance à réduire notablement le nombre des Sibylles. Pausanias n’en connaît plus que quatre : c’est aussi le nombre qu’admet Elien, tout en déclarant que parfois on en rencontre dix ; Clément d’Alexandrie se contente dn même nombre.

Le scoliaste d’Aristophane et Tzetzès reconnaissent seulement trois Sibylles.

Marc. Capella n’en garde que deux.

Eniin plusieurs auteurs suivent l’ancienne tradition de l’existence d’une Sibylle unique ; c’est l’opinion de Diodore de Sicile, de Tite-Live, de Virgile, d’Horace et de Tacite.

Notre collection des Oracles sibyllins affirme très explicitement l’autorité d’une seule et même Sibylle, et celle-ci ne paraît même pas soupçonner l’existence de prophétesses rivales, tout au plus se défend-elle contre I attribution d’une fausse origine, que lui prêteraient des personnes mal informées.

L’auteur du Dies iræ n’invoque le témoignage que d’une Sybille, supposée unique.

Sur les monuments figurés, le nombre des Sibylles est aussi variable que chez les écrivains. Les sculptures des cathédrales de Pavie, Auxerre et Amiens offrent l’image de huit Sibylles ; Michel-Ange en a représenté cinq dans la chapelle Sixline ; à SainteMarie délia Pace, Raphaël en a peint quatre. Le musée de Cluny, à Paris, possède un manuscrit français décoré de onze miniatures représentant autant de Sibylles. Dans un manuscrit de Saint-Gall, douze Sibylles sont peintes avec leurs insignes propres et dans des attitudes variées.

Les principales Sibylles. — Les auteurs anciens de toutes les époques abondent en détails sur la vie, les aventures, l’activité des diverses Sibylles ; il est naturel que, dans un sujet qui est par nature imprécis et flottant, puisqu’il n’est qu’un produit de l’imagination, auquel n’a jamais répondu aucune réalité vivante, la plus grande incohérence règne partout ; les contradictions se rencontrent à chaque pas ; d’autre part, les prodiges et les invraisemblances remplissent toute la vie de ces prophétesses qui se meuvent toujours en plein rêve. Déjà le philosophe Hermias traitait de fables les récits fabriqués par tant de générations, qui avaient beau jeu à embellir ce qui n’avait jamais été qu’une fiction. Néanmoins il ne sera pas sans utilité pour l’intelligence de nos oracles de connaître sous quels traits l’antiquité s’est représenté la personnalité de la Sibylle.

Erythrée. — La Sibylle la plus célèbre et aussi la plus ancienne était celle d Erythrée, ville d’Asie Mineure, située sur la presqu'île qui s’avance vers Chios, entre Smyrne et Ephèse ; son nom est Hérophile, plus rarement Artémis. Tant était grande la réputation de cette devineresse, que deux villes de Troade, Gergis et Marpessos, près du mont Ida, disputaient à Erythrée l’honneur de lui avoir donné naissance ; Alexandrie Troas elle-même se mêla à la querelle, pour rattacher une gloire de plus à une eontrée illustrée déjà par tant de personnages héroïques.

Les habitants de Marpessos invoquaient le témoignage même de la Sibyile, qui se serait expliquée nettement sur ses origines dans les vers suivants, que Pausanias a copiés à Alexandria Troas : « Je suis née d’une race moitié mortelle, moitié' divine ; ma mère est une nymphe immortelle ; mon père était un pêcheur ; je suis originaire du mont Ida ; ma patrie est la rouge Marpessos, consacrée à la Mère des dieux et arrosée par le fleuve Aïdonée. » Le surnom d’Epj8p ».tx était venu à la prophétesse, d’après ce texte, de la terre rouge qui forme le sol du pays de Marpessos ; le nom de sa mère Idaia et celui d’Hérophile qu’elle porte elle-même la rattachent étroitement à l’Ida, au sommet duquel Homère place diverses scènes île la légende d’Héra. Mais à en croire les gens de Troie, Hérophile fut la prophétesse d’Apollon Smintheus ; après de lointains voyages, elle revint mourir à Troas, sa ville natale, où l’on montrait son tombeau dans le téménos du dieu qu’elle avait toujours fidèlement servi. Auprès