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SOCIALISME

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pourtant anti<lémocraliqae. Non seulement il confie son espoir et ses destinées à la seule cLisse du prolétariat qui se substitue au peuple ainsi dépouillé de sa souveraineté, mais la suprématie, la direction appartiennent pratiquement, moins à ce prolétariat en chair et en os, qu’à « l’idée » représentée par une minorité consciente. Déjà, nous avons trouvé cette caractéristique dans le syndicalisme révolutionnaire. Elle apparaît plus nettement encore dans le communisme bolcheviste. « Au nom de cette « idée », au nom de la vraie volonté prolétarienne, dont le dépôt ne peut être confié qu’à un petit nombre, au nom des intérêts du prolétariat, dont peu d’hommes sont conscients, et qui sont également les intérêts de l’humanité, on peut exercer n’importe quelles sortes de violences sur le prolétariat empirique effectivement existant. » (Nicolas Bbkdiabfp, au chapitre la Démocratie, le Socialisme et la Théocratie dansun Nouveau Moyen âge. Paris, Pion (Collection du Roseau d’Or),

p. 25(, ).

Dans le régime socialiste, il existe une véritable foi et ceux qui la représen’ent ne se piquent pas de tolérance à l’endroit des dissidents.

Nombre de marxistes refusent pourtant de voir, dans le bolchevisme, une application de leur doctrine, lis ajoutent que, pour avoir voulu suppléer, par la brusquerie de sa démarche, aux énormes lacunes de la préparation, le communisme slave n’a pas seulement rendu la dictature de quelques-uns abusivement tyrannique, indéfiniment nécessaire, il l’a encore réduite à être inefficace. Toutes les condamnations, toutes les persécutions ne peuvent tenir lieu d’une organisation absente. La production s’est trouvée paralysée, la famine est survenue, le désordre s’est introduit dans tous les services. Et la Révolution a dû revenir sur ses pas, réquisitionner les compétences en les plaçant dans l’alternative de gros honoraires ou de la prison, ouvrir le pays au capitalisme étranger, instaurer une « nouvelle politique économique » qui reprenait, vis-à-vis des paysans surtout, certaines pratiques des gouvernements bourgeois. Malgré tout, le rendement économique du pays est nettement déficitaire. Et l’échec d’un pareil système, inauguré sous les couleurs du marxisme, bien qu’il n’en soit que la « caricature », est de nature à déconsidérer pour longtemps la doctrine que l’on prétendait appliquer. (Kautsky, op. cit., passim).

Les critiques, que nous venons de reproduire, viennent donc de certains points du camp marxiste, les bolchevistes répliquent que ces censeurs sont des traîtres. Ils s’efforcent, au contraire, de présenter leur système comme la pure expression de la théorie et leur expérience comme une réussite. Ils y sont assez, parvenus pour impressionner, en France, les mouvements révolutionnaires existants et pour y provoquer les remaniements que nous allons signaler.

C’est un des principes du bolchevisme que son succès définitif dépend de la répercussion produite à l’étranger. La Révolution ne pourra triompher que si elle est internationale. D’où 1 effort de propagande et parfois les campagnes à main armée, comme on l’a vu lors de l’invasion de la Pologne par l’armée rouge.

En France, le parti socialiste politique a été le premier atteint, jusqu’à la scission, par l’action du communisme slave. Au congrès de Tours, en décembre 1920. le parti s’est brisé.

Les uns, tout en restant fidèles à l’objectif marxiste, tout en rêvant, par suite, à la révolution collectiviste qu’ils préparent, n’ont pas voulu accepter les consignes de Moscou et se mettre sous la férule ou sous le knout russe. Ils s’intitulent : Section Française de l’Internationale ouvrière (S.F.I.O.) et se rattachent,

mais peut-êlre assez vaguement, à une Internationale, peut-être assez somnolente, qui a son siège à Londres. Ils ont, d’ailleurs, formé, aux élections de mai 1 <ja/|, avec les radicaux et radicaux-socialistes (qui sont pratiquement des anticléricaux et des socialistes d’Etat), le fameux et triomphant Cartel des gauches. Et, sans vouloir prendre une part officielle au gouvernement, ils ont pu acquérir ainsi une influence, officieuse, mais prépondérante.

Les socialistes, qui ont été séduits par le mirage de la révolution russe, se sont, au contraire, rangés sous le titre de Section Française de l’Internationale communiste (S. F. I.C.). Ils ont clairement rejeté tout respect pour la loi démocratique du nombre, à laquelle leurs anciens compagnons et amis, les socialistes du Carte), paient encore un hommage plus ou moins provisoire et précaire. Ils font figure ouverte de révoltés qui n’ont foi qu’aux minorités décidées. La Révolution russe leur semble le modèle à suivre, ils ont partie liée avec elle, acceptent toutes les consignes qu’ils en reçoivent et sont inscrits dans l’Internationale communiste de Moscou.

Le syndicalisme révolutionnaire, représenté par la Confédération générale du Travail, a été, lui aussi, sollicité de se joindre à ce mouvement. Si l’on se rappelle ses origines, l’histoire de ses luttes pour acquérir l’autonomie, l’on doit s’imaginer qu’il était mieux gardé contre de telles avances. Car il ne s’agissait pas seulement, pour lui, de se placer sous une direction étrangère. Il lui fallait encore renoncer pratiquement aux principes formulés dans la Charte d’Amiens et qui proclamaient l’indépendance vis-àvis des « partis » ou des « sectes » politiques. Or, le bolchevisme est, avant tout, un mouvement « politique » et ensuite, comme nous l’avons vu, militaire. C’est un « parti » qui commande, le parti communiste, avec bon nombre d’intellectuels dévoyés, dont Lénine, ancien étudiant, avocat, écrivain, était le type et le chef.

Cependant l’attraction de la violence et du mystère l’a emporté. Pour avoir résisté, un an de plus, que le Parti politique socialiste, la Confédération général du Travail n’en a pas moins subi le même sort ; elle aussi s’est divisée.

A vrai dire, depuis plusieurs années déjà, sinon depuis sa naissance, elle était agitée par deux tendances contraires. Certains éléments plus pressés, plus turbulents, s’impatientaient du délai imposé à leur fougue et déclaraient que l’heure de la révolte avait sonné. D’autres, qui se piquaient d’avoir réfléchi davantage sur l’histoire, demandaient une préparation plus complète. Certes, ils se défendaient, comme d’une injure, d’être des « réformistes «.C’était bien la révolution qu’ils voulaient, celle qui apporterait la suppression définitive du patronal et du salariat. Mais supprimer trop brusquement les rouages de la production actuelle, arrêter la vieille machine capitaliste sans être sûr que la nouvelle est au point, prête à fonctionner, leur paraissait imprudence suprême, qui conduirait à l’inévitable famine.

Ces conseils d’une sagesse — très relative — n’ont pas été entendus. Sous l’influence de Moscou, les violents ont mené une action plus ou moins sournoise, constitué, à l’intérieur des syndicats, des

« noyaux » formés d’agitateurs dévoués à leurs

vues. Finalement, la scission s’est produite en 1921. Il y a deux Confédérations générales du Travail. L’une est restée fidèle à ses anciens principes, à ses méthodes, et prétend opérer la révolution par l’action de la classe ouvrière dûment préparée. Elle adhère à l’Internationale syndicale qui, depuis la guerre, s’est reconstituée à Amsterdam. L autre, après avoir suscité le schisme, s’est pourtant inlitu-