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TRANSFORMISME

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Mais la question ne saurait être résolue ainsi a priori, et c’est 1 expérience qui doit décider et dire si, à la longue, des modifications portant sur le soma des ascendants ne peuvent pas s’inscrire, dans le germen et par là se fixer. Il y aurait alors hérédité îles caractères acquis, et la variation brusque ne serait pas le seul mode de formation des espèces nouvelles.

a) Lia. variation lente- — Tout le monde sait que les modilications apportées par la culture et l’élevage chez les plantes et les animaux, maintenues artificiellement par la sélection des progéniteurs, ne sont pas véritablement ûxées. Si on laisse à euxmême ces produits, ils reviennent, au bout d’un petit nombre de générations, au type primitif. De même des mutilations opérées sur de nombreuses séries d’individus n’ont jamais été transmises aux descendants.

En va-t-il ainsi lorsqu’au lieu d’actions brutales sur le soma, il s’agit d’influences plus profondes, telles que celle que peut exercer le régime, le dirait ? Un certain nombre d’expériences tendraient à prouver le contraire. On cite souvent les suivantes :

E. Fischer soumettant 48 chrysalides d’Arctia caja à une gelée intermittente de — 8°, obtint 48 papillons aberrants. L’aberration consistait dans un fort envahissement du noir sur les ailes supérieures et un peu sur les inférieures. Un couple très aberrant fut isolé ; ses descendants, élevés à la température normale, donnèrent de très nombreux papillons normaux (156) et -) individas, dont 5 mâles, qui montraient l’aberration des parents à des degrés variables, mais un peu moins forte que chez ceux-ci. (Ccé.not, Genèse des espèces animales, p. 336). Des chenilles d’Ocneria dispar, dont les parents avaient vécu sur le noyer pendant deux générations, nourries elles-mêmes sur le chêne, ont donné des papillons présentant les modifications caractéristiques de la vie sur le noyer. Deux générations avaient suffi pour déterminer une variation morphologique durable. M. Marchal a démontré qu’une cochenille, le I.ecanium corni, qui vit sur le cornouiller et les rosiers, nourrie sur le Robinia pseudoacacia se transforme en une autre variété, le Lecanium robinarium, etc.

A vrai dire, ces faits et d’autres semblables prouvent seulement que des changements dans le milieu et dans les conditions d’existence peuvent influer sur les êtres vivants et déterminer l’apparition de caractères nouveaux. Mais il n’y arien là qui puisse ruiner la thèse des mulationnistes et prouver rigoureusement 1 hérédité de caractères acquis d’abord par le soma seulement, puis inscrits ensuite dans le patrimoine héréditaire. Les différents facteurs modificateurs ont pu, en effet, qu*il s’agisse de la lumière, du froid, ou de l’alimentation, agir directement sur les gonades, et y produire des effets qui se traduisent aux générations suivantes par l’apparition brusque d’un caractère nouveau. On peut admettre que certains types demeurent plus ou moins longtemps dans un étal de prémutation, jusqu’au moment où une rupture d’équilibre d’ordre cytologique amène la mutation proprement dite.

Nous ne considérerons donc pas comme démontrée la formation d’espèces nouvelles par variation lente ; et c’est là, nous le dirons plus loin, un des côtés faibles des théories particulières de Lamarck et Darwin.

b) Variation brusque. — Un assez grand nombre de faits bien établis montrent que des transformations discontinues ont lieu dans la nature aussi

bien chez les animaux que chez les végétaux. Ces changements brusques ont été appelés sallations, sports, mutations. Ce dernier terme est le plus employé et il est associé à une idée de transformation dans le germen à l’origine des mutants. Transformation qui se montre immédiatement stable et transmissible héréditairement, de telle sorte que les variétés obtenues ainsi par mutation ne diffèrent en somme en rien des petites espèces telles que nous les avons définies plus haut. Elles obéissent, comme ces dernières, aux lois de Mendel dans les hybridations et ne sont pas reliées aux variétés voisines d’une manière continue.

On cite comme exemple chez les animaux l’apparition de deux moulons-bassets dans une ferme du Massachusetts, un mâle et une femelle dans une même portée, qui firent souche et donnèrent une race spéciale, les moutons-ancons. Les bœufs caraards et les bœufs sans cornes apparaissent pariellemenl de-ci, de-là, à diverses époques et dans diverses régions, très probablement d’une manière indépendante. Les élevages d’une petite mouche Drosopkila sont particulièrement célèbres. Ils ont fourni à un biologiste américain, Morgan, plus d’une centaine de mutations, portant sur la teinte générale, la couleur des yeux, la forme des ailes, etc. (cf. Cuénot, op. cit., 277 ; Guyéxot, l’Hérédité, passim).

Chez les végétaux, les remarquables observations de de Vries sur les Œnothera ont permis à ce savant de suivre pendant de nombreuses générations diverses variétés dues sans doute à des mutations. On peut les considérer comme des espèces en voie de formation. Il est permis de supposer, en effet, que, dans la nature, parmi les divers mutants certains se montrent plus robustes, mieux adaptés à telles ou telles conditions de milieu ; ils ont plus de chances que les autres de faire souche et de prospérer. Au bout d’un temps variable, un type de mutant pourra supplanter l’espèce qui lui a donné naissance, et, suivant l’heureuse expression du P. Teilh ard, la relayer, jusqu’au jour où, influencé lui-même par de nouvelles conditions externes ou internes, ce mutant privilégié donnera naissance à des types nouveaux ; i et ainsi de suite.

Cette hypothèse est grandement confirmée par ce que nous a appris la paléontologie. Nous avons dit en effet que, d’une manière générale, les formes nouvelles se montrent soudainement dans les diverses couches géologiques, sans qu’on puisse les relier par des formes de passage parfaitement continues aux espèces antérieures. Il semble donc bien que les faits observés justifient les vues des mutationnistes. Les intéressantes expériences de Blaringuem, sur les variétés de Zea Maïs, prouvent que des mutilations sontde nature à provoquer des mutations. Il est donc infiniment vraisemblable que les diverses formes de parasitisme ont dû jouer leur rôle dans le déterminisme des transformations subies par les êtres vivants, aussi bien chez les hôtes que chez les parasites.

Les adversaires du transformisme objectent que les mutations étudiées jusqu’à présent ne font faire à une espèce qu’un pas assez petit et que l’on n’a enregistré aucun fait qui permette d’expliquer le passage d’un ordre à un autre, ni à plus forte raison d’une classe ou d’un embranchement à des divisions voisines de même importance. Nous n’en disconvenons pas. Aussi bien sommes- nous persua dés que seul un transformisme modéréestrigoureusement établi par les preuves directes.de même que par les preuves indirectes, de l’évolution. Si l’on va