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Page:Agnès de Navarre-Champagne - Poésies, 1856.djvu/9

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monde vers 1330. De son enfance on ne sait rien ; elle fut élevée sous le beau ciel du Midi, dans une cour galante et chevaleresque ; elle reçut l’éducation alors donnée aux nobles damoiselles. Mais ce qu’elle fut, elle le dut à son esprit naturel, à son imagination ardente, à son goût passionné pour les arts.

L’amour et la coquetterie s’emparèrent bientôt de ce jeune cœur ; il fallut des aliments au feu qui le dévorait ; il les demandait au monde : le monde ne les refuse jamais ; seulement, il les vend, et parfois bien cher.

Il est des races où la bravoure et le bonheur dans les combats sont héréditaires, il en est d’autres où les grâces et l’esprit passent des pères aux fils et aux fils de leurs fils.

Il est des climats privilégiés du ciel où fleurissent d’eux-mêmes les arts et les muses. La Navarre ne semble-t-elle pas devoir à la Providence l’honneur d’avoir eu des rois poëtes, des princesses, des reines aimables et spirituelles. Citons notre Thibault et le dernier de ses successeurs, notre bon Henri, celui qui chantait si tendrement la charmante Gabrielle et qui l’aimait avec tant de philosophie. Faut-il nommer encore les deux Marguerite, ces deux femmes d’un esprit si vif, et Jeanne d’Albret, cette noble mère du Béarnais. Agnès était digne de suivre les uns et de précéder les autres.

La Champagne, cette patrie première de sa famille, n’était-elle pas aussi l’une des mères de notre langue, l’une des sources de notre littérature nationale ? double mérite qu’on ne lui reconnaît pas toujours.

La maison des comtes de Champagne et de Brie, issue des seigneurs de Vermandois, s’éteignit dans la ligne masculine en 1019. Eudes, descendant, par les femmes, d’Herbert ii, s’empara de ces deux provinces et leur réunit le Blaisois, la Beauce et la Touraine. Cette vaste seigneurie comprit, dès lors, une grande partie de la France septentrionale, berceau de la langue d’oil. Aussi l’histoire donne-t-elle à nos comtes le titre de Secundus à Rege. Pendant les xiie et xiiie siècles, ces magnifiques domaines restèrent unis entre leurs mains. En 1218, Blois et Chartres entrèrent par mariage dans la maison de Châtillon-sur-Marne, noble lignée de notre province, et ne cessèrent pas ainsi d’être fiefs champenois. D’une autre part, les comtes de Champagne étaient devenus sires de Sancerre ; les preux qui, depuis, surent illustrer ce nom étaient de leur sang. Pour mettre le