Page:Agnel, Émile - Curiosités judiciaires et historiques du moyen âge - Procès contre les animaux.djvu/16

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celui qui l’a commis sache et comprenne quelle peine il a méritée. Or le discernement est une faculté qui manque aux betes brutes. Aussi est-il dans l’erreur celui qui, en matière judiciaire, condamne à la peine de mort une bête brute pour le méfait dont elle s’est rendue coupable ; mais que ceci indique au juge qu’elle est en pareille circonstance l’étendue de ses droits et de ses devoirs[1]. »

Cependant les critiques du célèbre jurisconsulte ne furent point écoutées, et ce mode de poursuites continua à être suivi dans tous les procès de cette espèce, qui devinrent si nombreux du quatorzième au seizième siècle.

En effet, aux époques dont nous parlons, la jurisprudence, se basant d’ailleurs sur l’autorité des livres saints[2], avait adopté l’usage d’infliger aux animaux

  1. « Li aucun qui ont justices en lor terres, si font justice des bestes quant eles metent aucun a mort ; si comme se une truie tue un enfant, il le pendent et trainent, ou une autre beste ; mais c’est noient à fere, car bestes mues n’ont nul entendement qu’est biens ne qu’est mans ; et por ce est che justice perdue. Car justice doit estre fete por la venjance du meffet, et que cil qui a fet le meffet sace et entende que por cel meffet il emporte tel paine ; mais cix entendemens n’est pas entre les bestes mues. Et porce se melle il de nient qui en maniere de justice met beste mue a mort por meffet ; mais faicent li sires son porlit, comme de se coze qui li est aquise de son droit. (Coutumes du Bauvoisis, de Philippe de Beaumanoir, édition publiée par M. le comte Beugnot, t. II, p. 485.)
  2. L’Exode, chapitre XXI, verset 28, porte : « Si bos connu percusserit virum aut mulierem, et mortui fuerint, lapidibus obsruetur ; et non comedentur cames jus. » M. le procureur général Dupin, dans ses Règles de droit et de morale tirées de l’Écriture sainte (Paris, 1858), ajoute au bas de ce texte, page 215, la note suivante : « Il est raisonnable de faire abattre un animal dangereux, par exemple un bœuf qui joue de la corne. Mais empêcher de le man-