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HISTOIRE

qu’un projet de loi, présenté par le garde des sceaux et incessamment soumis à la délibération des Chambres, va mettre un terme définitif à cette sorte d’abus.

Une pompeuse apologie de lui-même, de ses amis, de leur moralité politique, suivie de la menace habituelle de démission si le vote qui va suivre témoignait du moindre affaiblissement dans la confiance de la majorité, accompagne ce nouveau défi jeté à l’honnêteté publique. Mais le défi est relevé aussitôt par MM, Thiers et Dufaure qui repoussent avec indignation, comme l’avaient déjà fait MM. Molé, Passy et d’Argout, la solidarité de ces actes que le président du conseil appelle de petits faits, mais que M. Dupin qualifie de stellionat et de simonie politique. « Il y a longtemps, s’écrie M. Barrot dans cette discussion toute brûlante de personnalité, il y a longtemps que je savais que nous ne nous comprenions plus en politique mais je croyais que sur les choses de l’honnêteté nous nous comprenions encore. » Mais le parti pris de la majorité conservatrice est inébranlable. Elle rejette obstinément deux ordres du jour proposés par MM. Lherbette et Darblay afin de constater le mécontentement de la Chambre. Par l’adoption de l’ordre du jour de M. de Peyramont, elle renouvelle le pacte honteux qui l’asservit aux volontés de M. Guizot ; puis on passe la discussion de l’adresse[1].

Le premier débat s’engage par un exposé complet de notre situation financière, dont M. Thiers signale les périls avec une clarté et une précision implacables[2]. Le

  1. La commission composée de neuf députés ministériels, ce qui ne s’était pas vu depuis le ministère de H. de Villèle, avait choisi M. Vitet pour son rapporteur.
  2. Le lendemain, 26 janvier, on lisait dans le National un commentaire effrayant du discours de M. Thiers : « Quel héritage, disait-on en s’adressant au ministère, laisserez-vous au pays ? Quel est le dernier terme prochain peut-être de votre système ? Il faut dire le mot, c’est la banqueroute. Avec la durée de ce qui est, il n’y a pas d’autre issue la banqueroute par la paix, la banqueroute comme résultat presque infaillible de cette politique d’ordre. »