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HISTOIRE

« S’il existait une fermentation dangereuse dans certaines couches de la société, dit l’orateur, c’était la faute du cabinet, qui avait brisé l’alliance intime, formée par la révolution de 1830, entre le gouvernement et le peuple, en écartant de la vie politique la masse de la nation, en se refusant à toutes les réformes. » Et il disait vrai. Si le pouvoir rencontre toujours en France une disposition frondeuse et un esprit railleur, c’est dans la classe privilégiée. Les classes laborieuses des campagnes et des villes, le peuple enfin, malgré une certaine verve moqueuse à la surface, est, au fond, porté à l’amour pour ceux qui le gouvernent. Son instinct est juste, sa patience presque inépuisable ; il sait se confier, attendre, pardonner beaucoup à ceux dont il se croit aimé.

Un débat vide d’idées, rempli de personnalités mesquines, recommence, après le discours de M. Duvergier de Hauranne, entre MM. Léon de Malleville et Duchâtel. Signalant les prétentions exorbitantes du cabinet, le premier invite les citoyens à n’en pas tenir compte, puis il reproche au ministre les injures qu’il adresse à un parti jadis caressé, flatté. « Si le temps des dangers revenait, dit-il d’un accent qui trahit la vanité blessée et l’espoir secret des représailles prochaines, je sais bien à quels dévouements on s’adresserait encore au besoin. Il n’est donc pas prudent d’insulter ceux dont la popularité serait d’un si grand prix aux jours de péril. »

À ces petitesses de l’esprit de parti, M. Duchâtel répond par d’autres petitesses. Il rappelle à son accusateur des lettres adressées, en 1840, du ministère de l’intérieur aux préfets, par lesquelles on interdisait formellement certains banquets politiques. « M. de Malleville étant à cette époque sous-secrétaire d’État au ministère de l’intérieur, il est à supposer, dit M. Duchâtel, qu’il approuvait ces lettres. Du reste, le gouvernement ne répondra pas à un défi par un autre défi, ajoute M. Duchâtel ; mais il ne cédera pas non plus d’une ligne dans cette question où non-seulement la