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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

personnalités ramènent M. Guizot à la tribune pour rétablir la question de droit, et M. Guizot, à son tour, y ramène M. Thiers. Ce dernier déclare qu’il se croit d’autant plus obligé, par devoir et par honneur, de défendre les banquets, qu’il n’y a point assisté et se trouve conséquemment dégagé de toute solidarité personnelle avec ses amis en cette circonstance. Mais en dépit de ses efforts, soutenus jusqu’au dernier moment par M. de la Rochejacquelein à la tribune, et par M. de Girardin dans la Presse, la majorité, avec une opiniâtreté sans exemple et sans excuse, rejette l’amendement. Elle marchait rapidement, tête baissée avec une incroyable hâte, à sa perte.

Enfin, le 11 février, une dernière voie de salut lui est offerte par un amendement de M. Desmousseaux de Givré, qui retranche purement et simplement de l’adresse les épithètes offensantes pour la minorité. C’est le moment décisif, M. de Lamartine monte à la tribune. Un silence imposant succède aux cris et aux vociférations qui jusqu’alors ont étouffé la voix des orateurs. On écoute ; on est dans l’attente de quelque chose d’imprévu. M. de Lamartine n’a point assisté aux banquets[1]. Que va-t-il dire ? Est-ce l’historien révolutionnaire des girondins qui va parler ? Est-ce le légitimiste ou le conservateur que l’on va entendre ?

L’incertitude n’est pas de longue durée. Des circonstances accidentelles, s’il faut en croire M. de Lamartine, qui ne veut pas confesser qu’il a suivi la politique expectante de M. Thiers, l’ont empêché de prendre part aux banquets ; mais il les approuve complètement. L’agitation qu’ils ont causée dans le pays a été une agitation honnête, salutaire, expression vraie d’un sentiment national, que l’opposition a contenu bien plutôt qu’elle ne l’a excité. La France, long-

  1. Le banquet de Maçon, qui avait un caractère plutôt intime que politique, était le seul, en effet, auquel M. de Lamartine eût assisté. Il refusa, sous divers prétextes, toutes les invitations qui lui furent ensuite adressées.