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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

les écoles, dont les intentions devenaient de jour en jour moins douteuses, à poursuivre, par tous les moyens légaux, l’exercice du droit de réunion. Conséquemment il fut décidé que les députés flétris assisteraient en corps au banquet ; mais ils se réservèrent d’en fixer à loisir, après mûre réflexion, le jour, le lieu, l’heure, le mode, le cérémonial et l’étiquette. Il régnait à cet égard très-peu d’accord parmi les réformistes. La crainte d’en faire trop ou trop peu, en les agitant diversement, les tenait en incertitude. Les jeunes gens des écoles, qui avaient dû organiser un banquet particulier, y avaient renoncé, afin de ne pas faire de diversion, et, non contents d’offrir, c’est-à-dire d’imposer à M. Barrot leur concours dans la grande manifestation que préparait l’opposition dynastique, ils demandaient à la commission des cartes d’admission pour un certain nombre d’ouvriers. Cette demande fut mal accueillie mais, appuyés par le comité de la Réforme, les étudiants arrachèrent aux répugnances des chefs réformistes vingt cartes pour eux et douze pour les ouvriers. Sans s’arrêter à ce premier succès, la Réforme, toujours dans les mêmes vues, insistait pour qu’on se réunît, selon le premier projet, dans le douzième arrondissement, au faubourg Saint-Marceau, au sein d’une masse populaire en ébullition qui ne pouvait manquer d’entraîner la manifestation bien au delà des voies légales. L’intention était évidente. Aussi la réunion des députés, écarta-t-elle tout d’abord cette proposition. On se mit à délibérer sur différents autres projets dont aucun ne paraissait offrir toutes les convenances désirables. Il s’en fallait bien, d’ailleurs, que la réunion fût aussi unanime que l’opinion publique. Tantôt M. Duvergier de Hauranne, tantôt M. Thiers, tantôt des avis un peu moins timides l’emportaient dans les conseils de M. Barrot, et, pendant ces oscillations, le temps s’écoulait. Les Parisiens, toujours amateurs de spectacles et d’émotions, s’impatientaient ; les républicains semaient le soupçon dans le peuple et lui représentaient les lenteurs de