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HISTOIRE

de la majorité. Les autres, pour essayer de se disculper il leurs propres yeux et aux yeux du pays, convinrent d’une scène de parade pour le jour suivant. M. Odilon Barrot fut chargé de déposer sur le bureau de la Chambre un acte d’accusation du ministère : démonstration frivole, indigne d’hommes sérieux, et qui ne pouvait plus abuser personne, pas même ceux qui en assumaient le ridicule. Les sept membres persistants de la réunion de M. Odilon Barrot cherchèrent à s’entendre sur ce qu’il y aurait à faire le lendemain pour que la manifestation n’avortât pas trop misérablement.

MM. d’Alton-Shée, d’Harcourt, Lherbette, allèrent chez M. de Lamartine, qu’ils trouvèrent résolu à se rendre, en dépit de tout, au rendez-vous assigné place de la Madeleine.

La veille, au sein d’une réunion de l’opposition modérée, où le débat avait été embarrassé, traînant, peu sincère, M. de Lamartine, répondant à M. Berryer, qui s’était prononcé pour l’abstention, avait dit ces paroles : « Nous sommes placés par la provocation du gouvernement entre la honte et le péril. Voilà le mot vrai de la circonstance ! Je le reconnais, et votre assentiment me prouve que j’ai touché juste : nous nous sommes placés entre la honte et le péril.

La honte, messieurs, peut-être serions-nous assez généreux, assez grands, assez dévoués pour l’accepter pour nous-mêmes. Oui, je sens que, pour ma part, je l’accepterais. J’accepterais mon millième ou mon cent millième de honte, je l’accepterais en rougissant, mais glorieusement, pour éviter à ce prix qu’une commotion universelle n’ébranlât le sol de ma patrie et qu’une goutte de ce généreux sang d’un citoyen français ne tachât seulement un pavé de Paris.

Je me sens capable, vous vous sentez tous capables de ce sacrifice ! Oui, notre honte plutôt qu’une goutte de sang du peuple ou des troupes sur notre responsabilité !

Mais la honte de notre pays, messieurs ! mais la honte