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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

de toute sorte, attirés par les bruits qui circulent à l’occasion du banquet. – Est-il vraiment contre-mandé ? aura-t-il lieu ? la garde nationale y viendra-t-elle ? le gouvernement exécutera-t-il sa menace ? se défendra-t-on ? Il serait bien possible qu’on en vînt aux mains. Allons voir. – Tels sont les propos que l’on entend dans la foule, et, peu à peu, les boulevards, la place de la Concorde, et surtout la place de la Madeleine, où avait été fixé, dans l’origine, le rendez-vous des souscripteurs du banquet, se remplissent de monde. Plusieurs arrivent en habit de fête. On s’aborde, on s’interroge, on fait mille conjectures. L’attente est sur toutes les physionomies. Bientôt cette attente prolongée, par une froide brume, devient désagréable et chagrine. On apprend, par les journaux que l’on s’arrache dans les cafés, la défection de l’opposition[1]. La curiosité désappointée tourne en aigreur. Néanmoins il n’y a pas encore là une apparence de mouvement séditieux. On ne voit point de troupes, pas un seul sergent de ville en uniforme. Les soldats du poste des affaires étrangères, sans armes, sur le seuil, ont tranquillement regardé passer la foule. On ne sait trop à quoi s’en tenir sur cette agitation silencieuse qui semble n’avoir et qui n’a, en effet, ni but, ni plan, ni concert[2]. Mais voici qu’un incident survient qui cause une fermentation plus prononcée. Onze heures sonnent, lorsqu’on voit inopinément deux détachements de gardes municipaux traverser au trot la place de la Concorde et monter l’avenue des Champs-Élysées. Ils portent sur leur dos des haches et des pelles ; ils vont faire enlever les préparatifs du banquet[3]. Au même moment, de forts détachements du vingt et unième

  1. Voir aux Documents historiques, à la fin du volume, n° 3.
  2. Les sociétés secrètes, peu nombreuses et médiocrement organisées, s’étaient déclarées en permanence, afin d’épier les symptômes du mouvement, mais elles n’en avaient pas l’initiative, et elles n’en prirent la direction que dans la nuit du mercredi au jeudi.
  3. Un détachement de troupe de ligue, masqué derrière l’arc de triomphe, devait, au besoin, appuyer ce mouvement.