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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

M. Berger, prenait sur lui de faire battre te rappel, et son exemple était suivi dans plusieurs arrondissements, mais en vain. Tout ce qu’il y avait de républicains dans les légions travaillait depuis plusieurs jours à y fomenter l’esprit de résistance. Ils rappelaient les vieilles injures, irritaient les amours-propres, démontraient la nécessité de prendre enfin une attitude indépendante pour reconquérir une importance politique, dont le roi et le ministère avaient fait trop bon marché. Ces arguments trouvaient les esprits crédules. Sur huit mille hommes composant la deuxième légion, il n’en vint pas six cents à la mairie. Sur la place du Panthéon, où bivouaquait le cinquième de ligne, une très-faible partie de la douzième légion se rassembla. Des coups de sifflet et des murmures s’étant fait entendre dans les groupes populaires, les gardes nationaux se mirent à crier Vive la réforme ! Aussitôt la foule répondit par le cri Vive la garde nationale[1] ! On peut imaginer si un tel spectacle était de nature à beaucoup animer la troupe au combat. Les officiers du cinquième de ligne donnèrent l’exemple et le signal de la défection morale en venant serrer la main aux chefs de la garde nationale. Un vivat prolongé accueillit cette démonstration.

Dans d’autres quartiers, les gardes nationaux qui se rendaient isolément à leur mairie étaient accostés par les ouvriers et vivement sollicités de donner leurs armes. Un grand nombre se laissaient ainsi dépouiller, moitié de gré, moitié de force. Aucun ordre n’arrivant, d’ailleurs, aux mairies, les plus persévérants, après avoir attendu quelques heures, regagnaient leur domicile, plus mécontents qu’ils n’en étaient partis. Cette tentative de prise d’armes, complètement avortée, n’eut d’autre effet que de démoraliser la troupe de ligne et de donner aux insurgés une plus grande assurance pour la lutte du lendemain. Vers six

  1. Le colonel, M. Ladvocat, ayant essayé de s’opposer à cette fraternisation, fut forcé de prendre la fuite.