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HISTOIRE

duellement à ceux d’entre les gardes nationaux dont la modération lui est connue pour les engager à crier Vive le roi ! — Vive la réforme ! dit d’une voix de stentor un homme du peuple qui s’est glissé dans les rangs. M. Lemercier le saisit au collet, les gardes nationaux protestent en disant qu’on n’arrête pas un homme pour avoir crié Vive la réforme ! Le colonel, renonçant à les apaiser, résigne son commandement et s’éloigne en toute hâte.

Sur la place des Victoires, la troisième légion se mêle au peuple et pousse avec lui les cris de Vive la réforme ! Un détachement de gardes municipaux tente d’arrêter quelques hommes du peuple. Un garde national intervient ; il est maltraité. Alors une compagnie de gardes nationaux s’avance et fait reculer la troupe jusque dans sa caserne. Peu de temps après, sur la place des Petits-Pères, des dragons, pressés par la foule, essayent de la disperser ; elle se réfugie derrière les rangs de la garde nationale, qui croise la baïonnette. À ce spectacle inouï, les dragons s’arrêtent. La foule exprime par des vivats sa reconnaissance. Au même moment, la huitième légion, rassemblée sur la place Royale, refusait de marcher si l’on n’inscrivait sur sa bannière les mots : Vive la réforme. Sur le boulevard Saint-Martin, la cinquième légion arrêtait la garde municipale, et les officiers expliquaient à la troupe que le peuple était dans son droit, qu’il ne voulait qu’une chose juste et légitime : le renvoi du ministère. À deux heures, les colonels des douze légions s’adressèrent au roi pour le supplier de faire de larges et promptes concessions, seul moyen qui restât, suivant eux, d’assurer la tranquillité de la capitale.

À ces rapports unanimes et presque simultanés, le duc de Nemours, impassible, entouré d’un brillant état-major qui se riait des alarmistes, répondait à peine et ne donnait aucune marque d’inquiétude ni de résolution. Satisfait de l’hommage rendu à son rôle de commandant supérieur, attentif à l’étiquette, il renvoyait les porteurs de nouvelles tantôt au roi, tantôt au général Sébastiani, tantôt