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HISTOIRE

les voit pas ou qui ne veut pas les voir[1]. De sa place, M. de Lamartine demande au président de suspendre la séance, par respect pour la représentation nationale et pour l’auguste princesse présente dans l’enceinte. Cette proposition, bien que voilée de respect, était tout à fait contraire aux intérêts de la régence ; elle était même inconstitutionnelle, car rien n’était plus naturel et même plus nécessaire que la présence du nouveau roi au sein de la représentation nationale qui devait sanctionner son avènement. Cependant le président, méconnaissant complètement la situation et même la légalité, annonce que la Chambre va suspendre la séance, jusqu’à ce que madame la duchesse d’Orléans et le nouveau roi se soient retirés.

Alors. M. le duc de Nemours et quelques députés engagent la princesse à sortir ; mais elle s’y refuse. Son instinct maternel l’avertit. Son cœur a plus de fermeté que le cœur de tous les hommes qui l’entourent. Elle reste debout, à sa place, tenant toujours ses enfants par la main, résistant à la pression insupportable de la foule. Elle comprend que, si elle quitte la Chambre, la cause de son fils est perdue. Le général Oudinot prend la parole pour soutenir le droit de madame la duchesse d’Orléans. « Si la princesse désire se retirer, dit-il, que les issues lui soient ouvertes. Si elle demande à rester dans cette enceinte, qu’elle reste, et elle aura raison, car elle sera protégée par, notre dévouement[2]. »

Cependant M. Marie est monté à la tribune, mais il n’ob-

  1. À ce moment, M. d’Houdetot, voyant le comte de Paris très-pâle, demande pour lui un verre d’eau à l’un des huissiers. « Cet enfant est ému, dit-il. — Je n’ai pas peur, dit aussitôt le petit prince, qui l’avait entendu ; je vous remercie, monsieur. » Et il refusa obstinément de boire.
  2. Après avoir prononcé ces quelques mots, le général descendit dans la cour du palais Bourbon, et, haranguant les gardes nationaux qui s’y trouvaient, il les exhorta à protéger une femme, un enfant… Ses paroles furent accueillies avec une froideur extrême. Pendant qu’il s’efforçait à ranimer un zèle éteint, la Chambre était envahie et la princesse en fuite.