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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

qui en revient. Les insurgés, mis en belle humeur par le vin qu’ils ont bu en abondance et par les libertés de toute sorte qu’ils viennent de prendre dans le palais des rois, s’approchent des soldats et les accostent aux cris de Vive la ligne ! On s’embrasse, on se tutoie, on se donne de vigoureuses poignées de main ; les insurgés offrent aux soldats des jambons, des pâtés, qu’ils ont pris dans les cuisines royales et qu’ils portent en trophée au bout de leurs piques. Pendant que ceux-ci, déconcertés, étourdis, ne savent trop ce qu’ils doivent dire ou faire, on vide lestement leurs gibernes, on s’empare, tout en riant, des fusils, des shakos, puis on s’éloigne au cri de Vive la République !

Revenons à M. Caussidière. Après avoir harangué la foule et s’être fait reconnaître comme délégué du peuple souverain à la Préfecture de police, il prit immédiatement possession des bureaux, rédigea au courant de la plume et envoya placarder sur tous les murs la proclamation suivante :

« Un gouvernement provisoire vient d’être installé ; il est composé, de par la volonté du peuple, des citoyens F. Arago, Louis Blanc, Marie, Lamartine, Flocon, Ledru-Rollin, Recurt, Marrast, Albert, ouvrier mécanicien.

« Pour veiller à l’exécution des mesures qui seront prises par ce gouvernement, la volonté du peuple a aussi choisi pour ses délégués au département de la police les citoyens Caussidière et Sobrier.

« La même volonté souveraine du peuple a désigné le citoyen Étienne Arago à la direction générale des postes.

« Comme première exécution des ordres du gouvernement provisoire, il est ordonné à tous les boulangers et fournisseurs de vivres de tenir leurs magasins ouverts à tous ceux qui en auraient besoin.

« Il est expressément recommandé au peuple de ne point quitter ses armes, ses positions, ni son attitude révolutionnaire. Il a été trop souvent trompé par la trahison ; il im-