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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

Au sein de l’ancienne noblesse, il convient, pour être équitable, de distinguer deux fractions différentes l’une, que l’on pourrait appeler la noblesse bourgeoise, tant par son contact fréquent avec la bourgeoisie elle a laisse s’émousser son caractère propre ; l’autre restée plus fière et fidèle aux traditions. La première, ralliée à la royauté de la branche cadette peu considérée aussi bien dans les rangs qu’elle quittait que dans ceux où elle venait faire nombre, sans autorité morale, sans intelligence politique, mérite à peine de nous occuper un moment. Ses opinions ne valent pas d’être comptées dans l’appréciation de l’état des esprits. On ne pourrait pas dire qu’elle fût absolutiste, constitutionnelle ou républicaine. Elle était égoïste jusqu’au cynisme. Aucun gouvernement n’avait à attendre ou à craindre d’elle un appui efficace ou une résistance sérieuse

La noblesse légitimiste gardait intacte, il est vrai, sa foi monarchique, mais sans espérances prochaines, sans illusions sur les personnes royales, sans éloignement pour l’émancipation du peuple par le suffrage universel. Son sentiment le plus vivace était sa rancune contre la branche cadette ; rancune poussée si loin qu’elle se réjouit de la révolution et déclara spontanément que non-seulement elle n’apporterait point d’entraves à l’établissement de la République, mais encore que son honneur, qui l’avait tenue éloignée d’un trône illégitime, ne lui défendrait point de servir le gouvernement de la nation par la nation elle-même. D’accord en cela avec la majeure parti du clergé qui tendait à isoler sa cause de celle des maisons royales, parce qu’il espérait profiter de la liberté pour ressaisir l’empire des âmes, la noblesse légitimiste se plaisait à voir la justice de Dieu et sa propre vengeance dans la victoire populaire.

Un sentiment analogue animait le parti bonapartiste. Riche et actif, mais effacé alors, amoindri par le ridicule des expéditions de Strasbourg et de Boulogne, ce parti