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INTRODUCTION.

tiques que la simplicité de mœurs de M. Guizot a su toujours tenir à distance. Mais le tort principal de son cœur, devenu l’erreur de son esprit, c’est qu’oubliant trop vite son origine il n’a pas songé, dans l’exercice du pouvoir, à ce peuple dont il est sorti. L’amélioration du sort des classes pauvres n’a point occupé sa pensée. Le progrès qui l’amenait aux honneurs lui semblait le progrès définitif de l’esprit humain. L’égalité et la liberté qui l’avaient fait puissant et riche lui ont paru suffire au bonheur du monde.

C’est aux deux ministères de M. Guizot et de M. Thiers que revient la plus grande part de responsabilité dans les événements, dans les lois, et même, jusqu’à un certain point, dans les mœurs qui donnent au règne de Louis-Philippe un si triste sens historique. Ni M. Molé, ni M. de Broglie n’eurent à beaucoup près la même influence. Le premier, ancien ministre de Napoléon Bonaparte, dont le génie lui inspirait une admiration excessive, partisan de l’autorité à ce point de n’avoir jamais refusé à aucun gouvernement le concours de ses lumières, avait fourni, depuis la révolution de juillet, une carrière politique assez heureuse ; mais ses différents passages au pouvoir n’eurent pas un sens très-déterminé et se rattachaient presque uniquement à des questions de personnes. M. Molé, homme de l’ordre ancien, ne pouvait ni ne voulait comprendre le génie des temps nouveaux ; il n’exerça point d’action sérieuse, et, si nous trouvons son nom à l’heure suprême de la royauté, ce sera comme un témoignage de plus de l’incurable aveuglement dont elle était frappée.