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INTRODUCTION.

tait tantôt comme à un soldat que l’on pousserait au premier jour vers le Rhin pour s’y faire tuer, tantôt comme à un nécessiteux que l’on tiendrait facilement en repos au moyen de quelques aumônes parcimonieuses. Le génie populaire était muet pour eux. Ce fut leur perte au jour de la lutte ce sera leur condamnation dans l’histoire.

Les idées démocratiques, radicales, révolutionnaires, n’étaient représentées à la Chambre des députés que par un très-petit nombre d’hommes, parmi lesquels M. Ledru-Rollin jouait, depuis 1841, le rôle principal. Le pouvoir redoutait peu cette opposition discréditée dans le pays par un ton violent de menaces restées depuis longtemps sans effet, et par des attaques mal concertées. Accoutumées à leur rôle subalterne, les majorités, d’ailleurs, ne voulaient point être éclairées. Elles votaient coup sur coup toutes les lois répressives souhaitées par le pouvoir, sans songer à trouver étrange cette législation purement négative[1] d’un peuple que l’histoire nous montre toujours impatient d’agir, courant plutôt que marchant à la tête de la civilisation européenne.

Les journaux subventionnés par le gouvernement servaient avec zèle tantôt les pensées intimes du roi, tantôt sa politique officielle, toujours les intérêts du

  1. Depuis 1830 on compte sept lois répressives votées par des majorités considérables : loi du 29 novembre, qui punit les offenses contre le roi et les chambres ; loi du 8 avril 1831, relative aux délits de presse ; loi du 10 avril 1831, contre les attroupements ; loi du 16 février 1834, contre les crieurs publics ; loi du 10 avril 1834, contre les associations ; loi du 24 mai 1834, contre les détenteurs d’armes ; loi du 9 septembre 1835, contre la presse et le jury.