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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

étroitesse de l’idée républicaine dont je viens de parler, le nouveau gouverneur, malgré la réserve particulière que lui commandait le souvenir de ses rapports personnels avec le duc d’Orléans, donna l’ordre de faire enlever de la place publique la statue du prince. À cette nouvelle, la population s’émeut. On se rassemble en foule autour du piédestal, on en défend l’approche ; le tumulte prend un caractère assez grave pour que le général Cavaignac croie devoir céder et fasse annoncer au peuple que la statue du duc d’Orléans restera en place. À quelque temps de là, il donne de son indécision une preuve nouvelle et plus fâcheuse encore. Une partie de la population vient le chercher pour assister à la plantation d’un arbre de la liberté qu’on avait couronné d’un bonnet phrygien. Le général Cavaignac ne fait aucune difficulté de présider officiellement à la cérémonie, en présence de toute la troupe et des autorités constituées. Mais, le lendemain, une autre partie de la population, ayant pris ombrage de l’emblème révolutionnaire, exige à son tour qu’il soit enlevé, et le gouverneur préside encore, sans faire plus de difficulté que la veille, à cette seconde cérémonie. À coup sûr, et il fut sincère en le déclarant plus tard, le général Cavaignac ne pouvait pas attacher de l’importance à ce que le bonnet phrygien fût ou non suspendu à l’arbre de la liberté. Pour les esprits sérieux, les emblèmes ne sont plus aujourd’hui que des puérilités ou des anachronismes ; mais il n’ignorait pas, sans doute, l’effet moral de ces contradictions de l’autorité et sa conscience de soldat n’était pas sans en souffrir.

Cependant le ministre de la marine, qui avait pris par intérim, en attendant l’arrivée à Paris du général Cavaignac, le portefeuille de la guerre, s’occupait activement d’arrêter dans l’armée le mouvement de désorganisation dont la victoire populaire avait été le signal. Cela ne fut ni long ni difficile. Dès le 26, par ordre du gouvernement, l’École militaire, Vincennes et tous les autres forts avaient été remis à la garde nationale. Quelques séditions fomentées dans les