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DOCUMENTS HISTORIQUES.

les mesures avaient, été prises pour assurer l’ordre et provenir toute espèce de trouble. Le gouvernement était instruit depuis quelques jours de ces mesures, et savait quelle serait la forme de cette protestation. Il n’ignorait pas que les députés se rendraient en corps au lieu du banquet accompagnés d’un grand nombre de citoyens et de gardes nationaux sans armes. Il avait annoncé l’intention de n’apporter aucun obstacle à cette démonstration tant que l’ordre ne serait pas troublé, et de se borner à constater par un procès-verbal ce qu’il regarde comme une contravention et ce que l’opposition regarde comme l’exercice d’un droit. Tout à coup, en prenant pour prétexte une publication dont le seul but était de prévenir les désordres qui auraient pu naître d’une grande affluence de citoyens, le gouvernement faisait connaître sa résolution d’empêcher par la force tout rassemblement sur la voie publique, et d’interdire, soit à la population, soit aux gardes nationaux, toute participation à la manifestation projetée. Cette tardive résolution du gouvernement ne permettait plus à l’opposition de changer le caractère de la démonstration. Elle se trouvait donc placée dans l’alternative de provoquer une collision entre les citoyens et la force publique, ou de renoncer à la protestation légale et pacifique qu’elle avait résolue.

Dans cette situation, les membres de l’opposition, personnellement protégés par leur qualité de députés, ne pouvaient pas exposer volontairement les citoyens aux conséquences d’une lutte aussi funeste à l’ordre qu’à la liberté. L’opposition a donc pensé qu’elle devait s’abstenir et laisser au gouvernement toute la responsabilité de ses mesures. Elle engage tous les bons citoyens à suivre son exemple,

En ajournant ainsi l’exercice d’un droit, l’opposition prend envers le pays l’engagement de faire prévaloir ce droit par toutes les voies constitutionnelles. Elle ne manquera pas à ce devoir ; elle poursuivra avec persévérance et avec plus d’énergie que jamais la lutte qu’elle a entreprise contre une politique corruptrice, violente et antinationale.

En ne se rendant pas au banquet, l’opposition accomplit un grand acte de modération et d’humanité. Elle sait qu’il lui reste à accomplir un grand acte de fermeté et de justice.

En conséquence de la résolution prise par l’opposition, un acte d’accusation contre le ministère sera immédiatement proposé par un grand nombre de députés, parmi lesquels MM. Odilon Barrot, Duvergier de Hauranne, de Maleville, d’Aragon, Abatucci, Beaumont (Somme), Georges de Lafayette, Boissel, Garnier-Pagès, Carnot, Chambolle, Drouyn de l’Huys, Ferdinand de Lasteyrie, Havin, de Courtais, Vavin, Garnon, Marquis, Jouvencel, Taillandier, Bureaux de Puzy, Luneau, Saint-Albin, Cambacérès, Moreau (Seine), Berger, Marie ; Bethmont, de Thiard, Dupont (de l’Eure), etc.