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INTRODUCTION.

Plus isolé par la nature de son esprit, de son caractère et de ses travaux, M. Raspail se consacrait aussi, avec un zèle persévérant, à la propagation des idées socialistes. Bien connu du peuple par les luttes de sa vie politique et par son action bienfaisante dans les faubourgs de Paris, où il exerçait gratuitement la médecine, nourri de fortes études, en renommée pour sa science, il s’était montré le constant défenseur des principes de la Révolution française, et poursuivait, comme le but suprême de ses études, l’amélioration du sort de la classe souffrante. L’abolition de la peine de mort, l’établissement du suffrage universel, qu’il considérait comme devant ouvrir la voie à tous les progrès des temps modernes, l’association agricole, la liberté de discussion, n’avaient pas d’apôtre plus courageux. Ses tendances étaient communistes, mais il n’avait pas de système formulé pour une application immédiate. Aucun des hommes qui ont embrassé la cause du peuple n’a été en butte à plus d’outrages et de persécutions. Par la hardiesse de ses opinions, par l’incorruptibilité de ses mœurs, par l’ironie de son langage, il avait irrité contre lui deux puissances implacables dans leur ressentiment : la médecine scolastique et la politique conservatrice.

Seul, bien plus seul encore, car il n’avait ni clients, ni émules, ni disciples, M. Proudhon parut dans l’arène socialiste avec une audace d’allures et une étrangeté d’accent qui frappèrent aussitôt les esprits, et, quand les circonstances le servirent, fixèrent l’attention publique sur sa personne et sur ses ouvrages. Né dans un village de la Franche-Comté, il fit à grand’peine, au