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Page:Agoult - Lettres républicaines.djvu/96

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intelligences de ce temps-ci, le philosophe qui a creusé avec tant d’art et de soin la source où les doctrines politiques du dernier règne se sont alimentées, proclamer la grandeur du Peuple. Ce n’est pas un faible courant de l’opinion qui amène le chef de l’école la plus dédaigneuse qui fut jamais à consacrer, comme il le fait en ce moment, sa rare capacité à la glorification et à l’enseignement de la philosophie populaire. Jamais, assurément, les adulateurs du Peuple n’ont rien imaginé de plus propre à caresser son orgueil. Et plus on mettrait en doute la sincérité d’une telle conversion, plus on voudrait se montrer sévère envers un homme qui, pendant une si longue période, aurait pu accomplir tant de choses et en a fait si peu pour l’instruction des classes pauvres, plus on devrait reconnaître qu’il y a là une justice providentielle qui s’exerce à sa divine manière, en faisant ployer au souffle des révolutions les plus superbes esprits. Mais avançons d’un pas encore, et voyons quel est l’auxiliaire que M. Cousin va réveiller dans sa tombe pour lui demander aide et concours dans la mission qu’il s’est donnée ? quel est le défenseur qu’il choisit à la société en péril ? quel est le livre auquel il vient en quelque sorte donner une autorité nouvelle, en l’entourant du prestige de sa propre renommée et en l’invoquant comme une arche de salut ? On croit rêver, tant la chose devient invraisemblable.

En l’année 1762, le 9 de juin, le parlement de Paris condamne, comme pernicieux et funeste aux mœurs, un livre brûlé huit jours après à Genève sur la place publique, en vertu d’un arrêt du grand conseil, qui le déclare impie et athée. Les magistrats genevois portent cette sentence dans l’intérêt de la religion chrétienne, du bien public, des lois et de l’honneur du gouvernement.

Un mandement de monseigneur l’archevêque de Paris affirme que l’auteur dudit livre « s’est fait le précepteur du genre humain pour le tromper, le moniteur public pour égarer tout le monde, l’oracle du siècle pour achever de le perdre. » Il déclare l’ouvrage « également digne des anathèmes de l’Église et de la sévérité des lois. » Sa vertueuse indignation s’écrie : « Malheur à vous, malheur à la société, si vos enfans étaient élevés d’après les principes de l’auteur d’Emile ! ». Il condamne enfin ledit livre