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De l’union du cors & de son amitié ;
Le cors loge les trois : au front la congnoissance,
Le jugement plus hault, plus bas la souvenance.
L’esprit apprend au cors les ars & les sciences
De nature & d’acquis, & fidelle amoureux
Preserve sa femelle & du fer & des feux,
Par l’aigu jugement & les experiences.
Comment pourroit ainsi ce mari sans son cors
Exercer sa vertu, car sans sa bien aimee,
Les effets ne seroient qu’une ombre, une fumee,
Sans execution, sans œuvres, sans efforts ?
L’esprit, paintre parfait, emprunte la painture,
Les tableaux, les pinceaux des cinq sens de nature.
Comme Platon a peint l’amitié mutuelle
Des espritz & des cors l’un de l’autre cheris,
Moy je veux par l’amour des ars & des esprits
Repeindre une autrefois nostre amour naturelle,
Et du grand au petit, je nombre par raison
Que nous devons chercher les loix de la Nature
Au secret des espritz ; l’amour des cors endure
Mesme cause que l’autre & mesme liaison :
II brusle l’un & l’autre & de pareilles flammes
Unit l’amour des cors & celuy de noz ames.
Mais autant de subjetz sur lesquelz il espreuve
Le miel de ses douceurs ou ses mortels courroux,
Autant de fois il est ou vigoureux ou doux,
Et tel que le subjet son accident se treuve.
Comme le soleil chaud rengrege les odeurs
D’une charogne infecte & en forme la peste,
Et de mesmes raions le mesme nous apreste
En sa bonté le musch & le baume & les fleurs :
L’amour allume ainsi en nos esprits les flammes,
Certains eschantillons & mirouers de nos ames.
Tout ainsi que l’amour unist la difference