Page:Agrippa d'Aubigné - Œuvres complètes tome troisième, 1874.pdf/22

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VI.

J’entreprens hardiment de te rendre eternelle,
Targuant de mes escripts ton nom contre la Mort,
Mais en t’eternisant je ne travaille fort ;
Ta perfection n’est en aucun poinct mortelle,

Rien n’est mortel en toy, ta chasteté est telle
Que le temps envieux ne luy peut faire tort.
Tes dons, thresors du Ciel, ton nom exemptz du port
Et du fleuve d’oubly ont la vie immortelle.

Mesmes ce livre heureux vivra infiniment
Pour ce que l’infiny sera son argument.
Or je rend grâce aux Dieux de ce que j’ay servie

Toute perfection de grace & de beauté,
Mais je me plein’ à eux que ta sévérité,
Comme sont tes vertus, aussi est infinie.


VII.

D’un outrageux combat la Fortune & l’Amour
Me veulent ruiner & me veulent bien faire :
L’Amour me veut aider, & Fortune contraire
Le brouille en le trompant de quelque nouveau tour.

L’un fit dedans les yeux de Diane sejour,
Luy embrasa le cœur & l’ame débonnaire,
L’autre lui opposa une troupe adversaire
De malheurs pour sa mort & pour mon dernier jour.

Diane assiste moy, notre perte est commune,
Faisons rompre le col à l’injuste Fortune
Inconstante, fascheuse, & qui nous a trahis.

Combattons pour l’Amour, c’est pour nous, ma Maistresse,
Loge le dans mon cœur & au tien, ma Deesse,
Qu’il ait passages forts, la langue & le pais.