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MAURIN DES MAURES

« — Roumi, dit l’Arabe, je n’ai, pour l’heure, besoin que d’un sou. C’est pourquoi tu peux, si cela te convient, tirer toi même un second seau de ton puits. Moi je suis pour l’heure assez riche. »

« Convenez que cela ne manque pas d’allure, et, qui sait ? de sagesse peut-être.

— Hum ! dit le préfet, au point de vue social… Enfin !… Et vos Provençaux sont de cette force ?

— Avant-hier, continua M. Cabissol, j’étais à la campagne chez un de mes amis, près de Draguignan, et nous regardions son cheval de labour, qui, les yeux aveuglés par les œillères bombées, tournait en rond, mettant en mouvement l’engrenage de la noria (puits à roue).

« Or, une branche de cerisier, horizontale, très longue, venait à chaque tour de piste heurter la pointe du collier d’attelage. Le cheval, sentant le heurt, faisait mine de s’arrêter… puis la branche glissait, égratignant le cuir, et, après avoir surmonté la pointe du collier, elle reprenait sa position, tandis que l’animal reprenait sa marche. À chaque tour de piste, il retrouvait le même obstacle, subissait la même impression, ralentissait, brusquement repartait. Et ainsi de suite.

« À vingt pas à peine de la noria, le fermier, tout en surveillant sa bête, bêchait mollement ses oignons.

« Mon ami l’interpella :

« — Eh, Toine ? voilà une branche qu’il faut couper !

« — Sûr, qu’il faudrait la couper ! répliqua Toine, Je m’en suis bien aperçu depuis l’année dernière ! il faudra que j’apporte, un jour, le couteau-scie !!!

« — Et si vous alliez le chercher, Toine, le couteau-scie ?

Ça n’est que trente pas à faire, d’ici à votre maison.