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MAURIN DES MAURES

Elle était mécontente d’elle-même. Aussi répliqua-t-elle au gendarme sur un ton d’extrême mauvaise humeur :

— Si tu dois me tourmenter ainsi, mon beau, mieux vaudrait rompre tout de suite. Que soupçonnes-tu ? Je suis une honnête fille. Si déjà je ne voulais plus de toi, je te le dirais. Va à tes affaires et j’irai aux miennes. La madone voit dans mon cœur, et elle sait que je te le garderai fidèle, à moins que par trop tu ne m’importunes !

— Mais si ce gueux, qui te regarde d’un œil qui me déplaît, osait te parler un jour comme il ne doit pas ?

— N’ai-je pas mon stylet corse ? répliqua-t-elle.

C’était sincèrement qu’elle parlait de la sorte. Elle se complaisait, c’est vrai, au souvenir de ce Maurin, mais tout de même elle lui en voulait, et se proposait, s’il revenait à la charge, de lui répliquer en Corsoise, car enfin, que voulait-il d’elle, ce gueux ?

Sandri alla donc voir le fils Grondard.

Célestin fut inquiet d’abord en voyant apparaître le bicorne redouté ; puis, quand Sandri se fut expliqué, Grondard se sentit tout fier. Chose singulière, rien ne flatte un gredin comme d’avoir une aimable conversation avec un honnête homme.

Le gendarme, c’est, aux yeux des bandits, l’honnêteté en uniforme.

Sandri interrogea :

— Vous devez avoir des soupçons sur quelqu’un ?

— Oui, dit Grondard.

— Et, fit le gendarme aux joues rosées, en frisottant sa moustache, sur quoi les fondez-vous, ces soupçons ?

Le machuré (le noirci) ne comprit pas. — Sandri,