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MAURIN DES MAURES

chasser comme toi ! Que regardes-tu en l’air, Maurin ?… Ah ! pauvre de moi ! c’est mon aigle !

Un aigle des Alpes tournait, presque hors de vue, bien au-dessus des petits sommets qui couronnent le vallon. Maurin suivait l’aigle des yeux depuis un moment…

— Ton aigle ? fit-il. À la voir, compère, elle ne me semble pas bien à toi !

Secourgeon laissa en plan cheval et araire et s’approcha du chasseur :

— Elle est à moi, fit-il, par la raison que je la nourris depuis une bonne quinzaine. Il ne se passe pas de jours, la garce, qu’elle ne me vole un poulet ou un lapin. Elle n’est pas à moi, c’est vrai, par la raison qu’elle m’échappe, mais je l’aurais tuée déjà, si j’avais eu le temps d’aller à l’espère (l’affût). Je n’ai pas le temps, que le travail presse… Et — té ! — si tu veux t’amuser à me la tuer, acheva-t-il en riant, je te la donne !

Misé Secourgeon, là-bas du pas de sa porte, cria aux deux hommes :

— Gueïro ! (guette !) qu’elle descend en faisant le rond ! Cachez-vous, Maurin ! que vous l’aurez !

Les deux hommes disparurent derrière un jujubier au feuillage retombant. L’aigle descendait une spirale qui allait se rétrécissant vers la terre. Déjà on apercevait les mouvements très nets de son col flexible. Sa tête se tournait du côté de la ferme au seuil de laquelle se bousculaient des poulettes épouvantées. On distinguait ses pattes rejetées en arrière… « On lui pourrait compter les plumes ! » murmurait Secourgeon. Une nuée de petits oiseaux, accourue des oliviers environnants, se précipita vers l’aigle et se mit à la suivre en criaillant.